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Retrouvez-nous dans le Magazine de la Santé sur France 5 toute la semaine dans la rubrique "In Vivo" ou dimanche pour une rediffusion du reportage dans sa globalité !!
Dans la fulgurance de l'accident, la bouffée de colère évacuée dans une insulte, des pensées lumineuses explosent en moi, je suis en vie, ma conscience est bien présente, quelle chance j'ai eu, transcender ce contretemps sera essentiel. J'observe la panique de cette jeune fille, choisis immédiatement de rester calme, je suis de toutes façons un peu groggy par le choc à la tête et toujours ce sang qui coule, j'ai froid, j'ai si froid, de violents tremblements révèlent à chaque seconde des douleurs qui se précisent. Le pied, l'épaule et ce bras que je ne peux pas bouger, les hanches qui hurlent comme des sirènes. Il y a cet homme que je connais mais que je n'identifie pas, il parle au médecin régulateur, décrit mon état, me pose des questions tout en réclamant des couvertures aux personnes qui sont arrivées. Je plonge en observation de mon corps, prends garde de respirer le plus calmement possible pour apaiser les tremblements et éviter à tout prix de me contracter ce qui augmenterait excessivement la douleur liée au fait d'être couchée sur la route. Attendre. Que les pompiers arrivent. Lâcher prise, faire confiance à ceux qui sont là. Des visages connus se penchent sur moi. Mais Marie qu'est-ce qui se passe ? Je réponds que j'ai été percutée par une voiture. Je vois Michel, ou plutôt Jean-Michel, je suis à deux endroits à la fois, dans la profondeur de mon corps blessé et dans la gestion des faits de surface, je lui demande de s'occuper de mon fauteuil en sachant que cela implique que mes filles soient mises au courant de l'accident, je le supplie de les rassurer, puis je replonge dans l'inspection de mes blessures et commence le travail.
Le travail ?
Oui le travail. L'indicible travail de préparation aux gestes qui vont immanquablement arriver, mobilisation par les pompiers, transport, transfert aux urgences, transfert pour les radios et peut-être même les opérations car à ce moment là je me sens comme cassée en morceaux.
Je me prépare à répondre aux interrogations des soignants qui seront perplexes devant mon anatomie, déstabilisés par la difficulté à "trouver une veine" ou une molécule que je tolère.
Et je commence en parallèle le travail de guérison sur une pensée puissante "Ma petite cocotte tu as quinze minutes pour te réparer un maximum pour qu'en arrivant aux urgences ça soit le moins grave possible", je suis à ce moment emmaillotée dans le matelas coquille des pompiers.
Je pourrais ne pas vous raconter cela, je ne vous demande pas de me croire ni de m'approuver. Je vous le dis dans cet esprit de partage qui anime "Les femmes en disent" depuis sa création.
Depuis sept années que j'écris vous avez du sentir la profonde mutation que j'ai opérée dans la façon de me soigner et plus largement de vivre. Les rapports intimes entre mes pensées, mon âme et mon corps sont aujourd'hui plus conscients, plus harmonieux, accompagnés, guidés par quelques personnes que je pourrais qualifier de lumineuses si ce terme n'était pas galvaudé et terni par des vendeurs de chimères et des voleurs d'âmes.
Souffle, circulation d'énergie, relaxation en pleine conscience, gratitude, confiance, croyance dans la métamorphose, tous les outils que j'ai pu croiser, comprendre, expérimenter, je les mets à cet instant au service de ma guérison. Je plonge profondément, à tel point que le pompier qui me surveille durant le trajet me rappelle à lui, hop hop hop, vous restez avec nous, me dit-il. Quelque part mon "mental" frappe déjà à la porte, pourquoi un tel accident en une si belle matinée, quel jour sommes-nous, encore en septembre. Je repousse les questionnements à plus tard me sentant déjà libérée de toute colère et dans l'acceptation d'un fait évident. C'est ainsi, j'ai été renversée par une voiture.
Reste l'indicible invisible.
Et le résultat.
Il est 9h50 quand le véhicule entre dans le sas des urgences. Soixante cinq minutes se sont écoulées depuis l'impact.
Immergée dans la chaleur d'une couverture légère à l'aube d'un dimanche matin tout baigné d'un soleil joyeux bien qu'automnal. Été indien il parait. Un régal. La petite sonnerie du réveil voudrait me tirer du flottement des rêves, debout Margotte la marmotte, debout tu as prévu d'aller méditer avec Lama Samten revenu de Québec, il fait beau et les oiseaux pépient déjà avec ardeur. Quelle flemme susurre amusée la petite voix intérieure, je sais méditer, un peu, je peux méditer dans le fond de mon lit, noyée de lumière et du frôlement doux des lits du matin. Debout, debout chante le réveil, les oiseaux et l'envie de retrouver Lama Samten, Jason et Cécile et Marielle et tous ces beaux sourires. Me voilà fraîche et dispose, reposée, restaurée, habillée de soie orangée et de coton kaki, bisous, bisous mes filles adorées je reviendrai vers treize heures, nous mangerons ensemble, bonne matinée mes amours. Et me voilà partie, juchée sur mon carrosse, foulard de ma soeur en mode routard et sourire aux lèvres pour la petite route qui mène aux gîtes de Cécile. L'air est si doux, passer le carrefour, prendre à gauche pour rejoindre le petit marché ou tout droit par la grande rue ? Tout droit. Longer le muret de la maison qui fait l'angle, tiens le gros labrador n'y est pas. Vrombissement d'un moteur.
Ma tête, le muret, le sol. Explosion de violence. Je suis couchée sur la route, des soubresauts secouent mon corps tout entier. J'ai mal. J'ai mal. Je tente de réunir mes pensées. J'ai mal. Je suis couchée sur la route. J'ai mal. Du sang coule de ma tête. Impact. Mais non. NON. Je réalise que je viens d'être percutée par une voiture. J'ai mal. Au secours, mes jambes, mes jambes. Le choc d'une violence inouïe, ma tête contre le muret. Cette voiture dont je ne vois plus que les roues et puis elle. Elle qui fait le tour de sa voiture infernale et qui se penche par dessus mon fauteuil, vide de moi, pour me regarder, couchée sur la route. "Mais quelle conne" hurle soudain toute ma colère, qui va s'occuper de mes enfants maintenant hurle la mère que je suis, mon fauteuil tout neuf pleure la personne handicapée qui sait tout le mal qu'elle a eu pour avoir ce fauteuil magique. Aidez-moi, mais aidez-moi hurle mon corps blessé, mettez-moi sur le dos, elle s'exécute et là je la regarde. Je vois une toute jeune fille dans une panique totale, elle ressemble à ma nièce Charlie, je ne vous ai pas vue, je ne vous ai pas vue à cause de la buée sur ma vitre, je ne vous ai pas vue, dit-elle en litanie. Elle veut appeler les secours, compose le 17. Dans ma tête je pleure que les pompiers c'est pas le 17. Puis un visage qui ne m'est pas inconnu se penche sur moi. Calmez-vous me propose t'il gentiment, sa voix me rassure, il est déjà au téléphone avec les pompiers, réclame des couvertures, je lui dis la route si dure, si froide, que j'ai mal à la tête, mon sang a coulé jusqu'au sol.