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  • Les chevaliers de l'arche : l'enjeu

    Ce n'est pas pour nous

    Trop abîmé, trop compliqué, chsépakoifer, ainsi parlait Houset'espas, chirurgien de sa fonction, don particulier : la disparition car c'est sur ces mots élégants que ce monsieur me délégua à d'autres et d'ajouter : lundi après un scan vous serez transférée sur Marseille, avant de disparaître de son service. Selon les bruits de couloir il se faisait opérer du canal carpien dans une clinique privée, selon la presse il passait la semaine en congrès d'orthopédie à Grenoble, porte d'entrée des Alpes et de sortie des entorses du genou et autres déchirures des ligaments croisés, l'humain est terriblement ironique (j'aurais bien ajouté Ta mère mais vraiment je n'ose abîmer cette vision bucolique de centaines de chir ortho attendant en sirotant du genepi que la montagne vomisse les clients de l'année nouvelle, se  partageant peut-être les parts de marché et de gâteaux offerts par les fabricants de prothèses aïe-teck et fournis par le lobbying des produits laitiers qui sont nos amis pour la vie enfin surtout les leurs mais je m'égare vous avez les vidéos du professeur Joyeux pour gai-rire de vos addictions fromagères) 

    La veille au soir j'avais eu le malheur de croiser l'existence de l'aide-soignante qui se croyait un bourreau, Après une manipulation sans aucun ménagement l'idée saugrenue m'était venue de lui demander si elle savait seulement ce que j'avais et pourquoi j'étais dans ce lit et sa réponse m'avait rendue dubitativement extralucide : Pour quoi faire ? - ah mais oui me direz-vous, qu'on soit un sac de patates ou un être humain et qu'on ait une rupture de la coiffe ou une luxation de prothèse ça se manipule de la même façon non ? Mais si vous savez bien : sans ménagement et sans méninge non plus ! ça s'était pour le côté dubitatif, pour le côté extralucide j'ai su immédiatement que les nuits du week-end allaient être trèèèèèès longues.

    ndlr : Bon alors là il me semble que je vous dois une explication, pourquoi l'humour ? Bien. Parce que d'une part cette histoire racontée froidement serait, je pense, parfaitement indigeste, comme c'est l'hiver et qu'il fait déjà assez froid comme ça je ne veux pas mettre en plus ma mayonnaise sur la gastro galopante de janvier. Pour vous. Mais aussi pour moi. Et aussi pour mes filles. Se replonger dans le passé pour en tirer l'essence peut se faire sans trop revivre les émotions du moment, voire même en le relisant sous un autre angle. Et que d'autre part vous êtes intelligents, vous avez vous aussi traversé des moments difficiles et vous saurez sans aucun doute lire entre mes lignes et mes pitreries (je prépare un one-woman show, autrement dit en plus contemporain un stand-up donc un sit-down pour moi ;) )

    Et elles le furent. Longues. Les nuits. Surtout quand elles commencent par une attente instable et douloureuse sur un bassin trop plein de ce pipi retenu depuis l'appel au samu, attente qui va durer ... allez les paris sont ouverts ... 10, 15, 20, 30 ... non! ... 45 fatales minutes, fatales car instabilité et longue attente ne font pas bon ménage et qu'à cet instant vous baignez dans votre urine jusqu'au milieu du dos et que l'aide-soignante qui se prenait pour un bourreau entreprend de changer non pas de métier mais les draps de votre lit APRES avoir essayé de juste remettre une alèse par dessus ça ira bien.

    Nous voilà donc rendus au lundi matin, vous êtes sensés dire adieu à vos projets, votre dignité, votre estime de vous et tutti quanti, non mais dis donc vous êtes à l'hôpital là, pas au club-med, ah mais oui dis donc heureusement qu'elle le dit à qui veut l'entendre l'aide-soignante, j'ai failli confondre ! Le confort, la chaleur humaine, l'exotisme ! C'est surfait en fait le club-med, hop une bonne luxation et tu te payes une semaine de vacances aux frais de la princesse, l'accueil, la prise en compte de vos besoins tout y est ! Bref, lundi matin, 6 heures, 8, 9 10 heures vous n'avez toujours vu personne d'autres que le personnel hôtelier, vous avez dû confondre l'entrée des urgences avec celle de l'ibis budget. Bon vous sonnez. Oui à l'hôpital vous êtes comme un mobile orange :  ça vous met appel en cours mais il n'y a pas de réseau ou alors le bureau des infirmières est sous un tunnel. Quand soudain, alors qu'il est presque midi, une lumière blanche apparaît au bout du tunnel, miracle ... une infirmière ! Vous êtes sauvé ! Ah non faut pas trop en demander, elle n'a rien te concernant aujourd'hui dans son ordinateur, autrement dit tu n'as pas rendez-vous, ni avec elle, ni au scan, ni à Marseille. Le scan est prévu peut-être mercredi quant à Marseille on va envoyer vos radios on verra bien. 

    On verra bien. Voilà, voilà. On verra bien. 

    C'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre que j'étais prisonnière d'un service sans chef de service et qu'en son absence, les consignes étant RV scan et transfert à Marseille sans notion de délai de prise en charge, mon cas n'était considéré ni comme urgent, ni digne d'intérêt, lundi devenait mercredi voir vendredi. Au secours maman. Le monsieur martyrisé du bout du couloir m'avait donné un cours pendant deux jours j'étais au top. Sauf qu'à ce moment-là je suis plus chant des partisans par France Gall que chant du cygne.

    Résiste. 

    Alors oui je sais le manque de personnel, les infrastructures débordées, la liste d'attente du  scanner, bandit-manchot des hôpitaux mais ... je ne suis pas obligée de le subir sagement en silence. Nous sommes alors le 7 décembre, vendredi conduirait au 11, lundi 14, 10 jours avant les fêtes de fin d'année et ça c'est une très très mauvaise période pour être en quête d'un chir ortho.

    Proteste.

    Agite-toi, fais du bruit, autrement dit : existe. Oui il y a des façons beaucoup plus zen d'exister mais zen dans un hôpital équivaut à "sans raison de s'en occuper". Attention je reste parfaitement polie "merci s'il-vous-plaît je comprends" car le soignant à cran, torturé à loisir dans les tenailles féroces patients/administration est parfois "légèrement" sur la défensive. 

    Alors. Ne vous méprenez pas quand je dis "résiste" ou encore "proteste" je ne vous parle pas d'égo (c'est à la mode), ni d'une quelconque supériorité. Je vous parle de stratégie. D'avoir 3 coups d'avance sur l'échiquier. Etre du monde des causes (et des dires) pour ne pas subir les effets ... de la maladire.

    Voilà donc l'enjeu : essayer d'en savoir plus sur mon état (je n'ai toujours pas vu la radio), continuer à surveiller ce que les élèves infirmiers collent dans la perf (deux fois déjà que j'échappe à de la morphine et consoeurs d'office alors que j'y suis allergique : ah oui c'est vrai c'est marqué j'avais pas vu désolée), trouver un chirurgien, fuir cet établissement. Et lire l'énoncé de l'exercice plusieurs fois pour commencer à en saisir toute la profondeur. 

    Arrivera alors une jeune interne. Mes demandes seront les suivantes : voir la radio, avancer le RV du scan, parler avec un psy pour discuter d'une des potentielles solutions : l'amputation totale de ma jambe droite. Dépassée elle fut et restera, me proposant, le jeudi de cette même semaine, de "rentrer chez moi et de me couper la jambe toute seule tant que j'y étais après que je lui ai réclamé les images du scan". 

    La partie s'annonçait complexe. Le remède ? Oser.

    Oser dire ses pensées, oser changer, oser partir. Dans une autre prose, bouger. Immobilisée sur un lit. Il fallait imaginer un mouvement dont je serais le centre, la vague et l'impulsion, telle une particule élémentaire au coeur d'un ... réseau. Tiens donc, oser, réseau ... souvent les mots nous parlent :)

    L'heure était venue d'appeler des alliés. Lever une armée d'amis. Visibles et bien en chair. Dans un premier temps. 

     Et c'est ce que j'ai fait.

  • Les chevaliers de l'arche - Le décor

    L'heure est peut-être venue de vous parler de l'expérience que je viens de vivre. L'expérience physique est passée et pourtant je ne redémarre pas encore "intellectuellement". Quelque chose me dit que je dois peut-être clore ou éclore ce voyage d'une autre façon, en le partageant peut-être. Façon ultime de valoriser l'étape, en ne gardant pas uniquement pour moi les fruits de l'exercice. Puis mettre en oeuvre les promesses.

    Comment commencer ?

    N'étant pas Georges Lucas, par le début me direz-vous ;)

    ça commence donc, un vendredi matin 4 décembre 2015, un petit mouvement en prenant la douche, une sensation étrange dans la jambe, je me suis fait mal je crois, murmuré dans un froncement de sourcils. Le retour au fauteuil confirme que quelque chose ne va pas, je me cale, bouge le moins possible, toute la journée, faire l'autruche-guerrière qui met en oeuvre quelques pensées magiques qui rassurent et des saboteurs qui assurent, ne pas en faire un plat, pas une nouvelle fois, pas le temps, pas envie, pas maintenant. Et le voyage en Lorraine tout programmé, hôtel réservé, rendez-vous amies et anciennes amours impatiemment attendus et ce Noël en famille qui nous a tant fait défaut ces dernières années. Non, c'est non, et non, et non.

    Et si.

    Pourquoi ?

    Parce que c'est ainsi (font fond f'hon*) *interjection naturelle de l'ado qui est contre une idée et puis parce qu'il me fallait un troisième fond (d'oeil bien sûr sinon c'est moins drôle)

    J'ai tenu la journée mais le coucher du soir et la terrible nuit qui suivit, ne laissèrent la place à aucun doute, j'ai un grave problème au niveau de la hanche droite. Toute la nuit je me prépare, je réveille le vieux courage qui sommeille en moi, celui que je réserve aux hôpitaux, un vieux briscard à la peau tannée, un dur-à-cuire de la première heure, qui m'a déjà aidée à traverser tant de champs de bataille. Il ne fanfaronne pas. Il bougonne un peu, en écho à mes soupirs contrariés. Il faut bien dire que depuis l'accident de septembre 2014 (ah mais alors c'est ça le début ?), je ne l'ai laissé dormir que d'un oeil, combattant jours et nuits des douleurs perfides et insomniaques. Combat de titane, guerre d'os rouillés, vertèbres mâche-nerfs et muscles de pierre.  Je le sollicite bien moins qu'avant quand même, depuis de longues années maintenant d'autres chevaliers sont venus nous prêter main-forte, plus subtils, plus puissants que ma pomme et la seule force de caractère. Il y a dans nos rangs le vieux sage guérisseur-intérieur qui se reconnaît en Laurent qui est L'or-en, la force de l'Esprit des pierres et des prières à l'anagramme signifiant,  la puissance de la méditation qui ouvre le canal, l'énergie des guéris-sons, la vieille sorcière encapuchonnée qui communique en images et en langue des oiseaux et la plus jeune : l'âme-soeur, la vieille éléphante-chaman avec ses plumes, sa sauge et ses cailloux-cadeaux en forme de coeur à qui sait lire autre chose que des mots.

    En ce petit matin à l'aube usée, c'est au vieux courage que j'en appelle. En cet instant froid de décembre, n'être qu'un corps blessé au coeur vaillant. Composer le 15. Il est des lieux où les alliés de l'arche doivent savoir se faire puissamment invisibles.

    Chaque mot prononcé à partir de cet instant est sans surprise, du regard décontenancé du médecin du SAMU à son appel au tri, du couloir bondé des urgences du CH d'Aix au "c'est pas facile de lire vos radios" de la jeune interne qui m'annoncera quand même, triomphante que je n'ai "qu'une grosse sciatique" et que je vais pouvoir rentrer à la maison, avant de revenir, penaude, peuchère la pauvrette, une heure plus tard, avec un diagnostic de descellement total du cotyle, émis par un chirurgien orthopédique qui ne daignera même pas venir me voir sans s'appeler Gregory House pour autant. Les médecins et infirmières sont devenus pathétiquement prévisibles, cadenassés entre protocoles, charges de travail, annihilation programmée de leurs capacités dont en premier lieu leur liberté de penser par eux-mêmes. J'aurai un sourire triste et inquiet quand, trois jours plus tard, j'aurai enfin accès à cette radio, car un enfant jouant aux playmobils aurait compris que "la boule doit être dans la coupe " pour que l'articulation fonctionne, mais visiblement cette jeune femme était plus spécialiste de douche froide que de découpe de poulet du dimanche ; une enfance difficile peut-être, un stage en ortho à remplir des dossiers numériques au chevet du lit-porte ou du lit-fenêtre sans doute, pas devant des clichés de prothèses de hanche assurément. "On va vous mettre en chambre" claironne t'elle toute à sa joie de libérer un demi-box que je partage avec une gentille dame-cagole, car ou bien que aixoise, fraîchement liftée, qui vient de faire probablement un "accident ischémique transitoire mais c'est pas grave Madame" ...

    Samedi après-midi, je sais déjà que rien ne sera fait pour moi jusqu'au lundi. Commence alors une attente qui en fait de quelques trop longues heures va durer ...trente jours.

    Voilà pourquoi nous ne savons pas l'avenir. Monsieur Courage, aussi courageux soit-il, prendrait dare-dare la poudre d'escampette. Nous développerions illico moult stratégies d'évitement et à force d'éviter nous passerions à côté, - à côté de quoi  ? vous entends-je penser, de la lévitation justement ;) arghh allez va un petit zeste (avec ou sans e) d'humour ne sera pas superflu au cours de ce récit sop-horrifique, laidifiant et cruel. A côté de quoi ? insisteriez-vous, ne vous étant pas laissés noyer par mon poisson. Du potentiel de développement intrinsèque contenu pour vous dans la-dite expérience et de ses compagnons les sus-dits chevaliers. Ceux de l'arche qui, comme chacun sait, permet d'être dedans, par-dessus et au-travers tout à la fois. Voilà qui est dit. Et voilà qui éclairera peut-être ma précédente note qui propose d'aimer la vie pour tout ce qu'elle contient, on peut apprendre à tout aimer dans cette vie. Le conflit par exemple, non pas pour le conflit lui-même mais bien parce qu'il contient dans son essence même, tout le potentiel de Paix qui s'y rattache, et toutes vos possibilités de l'atteindre, la Paix pas le conflit. 

    Alors, rassurez-vous, il ne s'agira pas dans les épisodes qui vont suivre de transformer ce lieu qui m'est cher en bureau des plaintes, pleurs et complaintes, ni de vous raconter les longs hurlements nocturnes de la dame souffrant d’Alzheimer et d'une fracture du col du fémur de la chambre d'à-côté, ni de vous tirer les larmes en vous décrivant comme un homme qui souffre entre les mains de l'aide-soignante de nuit la plus incompétente qu'il m'est été donné de rencontrer, en vient à appeler sa mère tout en sanglotant et suppliant qu'on ne le touche plus. Maman, maman. Faut l'entendre pour y croire.

    Il ne s'agira (presque) pas de faire un procès à aux ARS(ouilles) pour les meurtres de nos hôpitaux publics.

    Il ne s'agira en rien de donner une quelconque leçon de vie / de courage / de cuisine macrobiotique.

    Mais alors ?

    Il s'agira de proposer un témoignage, d'explorer des possibles et des peut-être, teintés de pourquoi-pas & autres et si et si ... épissétout et c'est déjà beaucoup.

    Alors qu'on se le dise âmes non-sensibles s'abstenir car pour ce voyage en cet endroit l'envers est roi. 

  • De l'intention

    Jour deux de l'an 17

    Nous sommes en Vie. C'est un fait mesurable selon des critères physiques. Le souffle en mouvement. Sommes-nous vivants ? Qu'est-ce qu'être vivant ? Cela sert-il à quoique ce soit ou au contraire sommes-nous nuisibles ? Etre en vie est un miracle qui se suffit à lui-même ? Et si la vie n'avait d'autre sens que d'être ?

    L'an 2016 a été rude d'épreuves. Épurée. Nue. Expiatrice. Révélatrice.  Renaître quasi rien. Quasi.

    Certaines dimensions humaines me pèsent. Je m'agace puis je me souviens d'instants incroyables de conscience. Comment faire que ceux-ci transcendent ceux-là ? Tout choisir. Pas comme on trie mais comme on épouse.  Etre le hasard, sa propre chance.

    Je nous souhaite vos meilleurs voeux. Que les liens soient d'amour.