Marie et les dentistes
Ah ! spéciale dédicace aux lecteurs de la première heure qui reconnaîtront peut-être, dans ce titre, un renouement avec les origines et une note subtilement baptisée Marie et les coiffeuses, note rapidement coiffée par Gilles et les barbiers et des allusions récurrentes à mes rendez-vous avec moi-même chez le coiffeur.
J'ai en effet pris l'habitude de l'introspection, en face à face avec l'image renvoyée, heureuse ou impitoyable, dans les hyper-miroirs des salons de philoffure ou coiffosophie.
Une envie de souple longueur "parce que c'est plus féminin" m'a tenue éloignée quelques temps des salons ; point de coupe, point d'incision subtile au coeur de mes pensées, point de face à face avec mon âme dans le miroir. Tout juste un aperçu rapide à domicile, le temps de rafraîchir la longue mèche que je cultive spécialement pour cacher les yeux et le reste.
Et puis, comme on ne se refait jamais complètement, mes pensées ont refait surface et avec elles un grand besoin d'y voir clair, de frais derrière les oreilles, j'ai donc repris les bonnes habitudes d'antan et pris la direction ... du salon de coiffure sans rendez-vous, parce que ces envies là n'attendent pas ...
Une fois arrivée force est de constater que j'ai du déserter plus longtemps que je ne veux bien le dire : toutes les têtes qui coiffent ont changé, j'entends bien évoquer le nom de la tenancière actuellement en congés par un qui, semblerait-il, est Monsieur son époux. C'est tout.
Oups. Première pensée.
"Je vais m'occuper de vous" annonce t'il les ciseaux déjà à la main. .... ah ben ... oui. Deuxième pensée.
Je ne sais s'il s'appelle Edouard et si ses mains sont d'argent mais ses ciseaux eux sont sans doute en or pour travailler ainsi en silence.
Plongée délicieuse et reconnaissante, tout juste entrecoupée par les babillages des voisines de fauteuils et les sourires amusés que nous échangeons à l'écoute discrète du discours féminin d'à côté, discours qui pourrait fournir à Florence Foresti un sketch emballé c'est pesé et ... c'est du lourd :))
Coupe, coupe, coupe, dégage le front, la nuque, coupe, coupe, voir clair, heu ....vous allez peut-être m'en laisser un peu ... "juste quelques mèches encore" dit-il, aussi parfaitement absorbé dans la tâche que j'avais pu l'être dans mes pensées maintenant aussi éclaircies que ma coupe, le temps de ne pas dire stop que le tour d'oreille magnifiquement rasé laissait apparaître la blancheur d'albâtre de ma peau épargnée de l'ardeur estivale par des favoris maintenant désuets et plus du tout coordonnés à l'état de mes pensées. swif, swif, swif, un coup de pinceau, miroir tendu de dos pour admirer le travail. "Si je peux me permettre" dit-il, "je vous préfère comme ça" ; ça fait au moins un heureux :)
Il dit alors que la semaine prochaine il ne sera pas là, sa femme sera de retour et lui retournera dans son salon exclusivement réservé ... aux hommes, je comprends soudain bien mieux, la coupe impeccable et le long silence ...
Quelques trois semaines plus tard la coupe est toujours coupe et retourner chez le coiffeur pourrait être assimilé à un suicide capillaire mais, mais, j'ai rendez-vous chez le dentiste, c'est le remplaçant d'une dame en congés, je ne sais s'il s'appelle Edouard et si ses mains sont d'argent mais, même si ses instruments sont bruyants, je goûte pleinement son silence à mon silence reconnaissant, parole de toute façon empêchée en pleine préparation de couronnement.
Je serai donc reine la semaine prochaine, reine de quoi ? ah ça pour le savoir faudrait que j'introspecte un peu encore, voyons quel prochain rendez-vous fleurit mon agenda .... ah tiens le 13 octobre un aller-retour parisien pour assister au documentaire ... "Miroir de mon âme" réalisé par Deza avec au générique votre presque humble serviteur et ses 4 Fantastics entre autres, six heures de train entrecoupées par une soirée paillettes dans les yeux et dans les coeurs, bonne occasion pour intrainspecter non ?
:)