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Le temps d'une image

  • Lumières

    Elle apprivoise la lumière pour sublimer les ombres folles, mères de la source prodigue.

    Au cœur des noirceurs et des secrets enfouis naît la plus pure des eaux qui jaillit d’entre les roches dures.

    Chatoyante, claire-obscure, ajourée, changeante, Salomé me demande quel mot ou expression utiliser pour décrire la lumière au travers des arbres. Quelle colle, voilà que je sèche. D’autant que celle du printemps n’est pas celle d’automne et celle du matin aussi unique qu’est singulière celle du soir. Avec ou sans brume et volutes parfumées ? Eclaboussée de scintillements de rosée ou craquante de feuilles rousses et piquées ? Animée d’un éclair vif aux rebonds de l’écureuil curieux et craintif tout à la fois ou se mirant aux calmes rides d’une flaque d’eau brune ? Ode aux lumières ludiques des sous-bois de nos enfances, émois crus et impudiques des verts printemps, turgescents de vie, bains chauds et enivrants d’une forêt au cœur des étés lorrains quand l’abeille alourdie emporte son butin d’or, dans un vol comme saoule.

    Un jour d’examens partiels auxquels il me semblait avoir échoué je nous avais emmenées, ma peine et moi, aux vieux étangs que j’avais découverts par hasard au détour d’un virage de la route qui reliait Saint-Dizier et Bar-Le-Duc. Pour rejoindre les petites étendues d’eau aux reflets verts et mauves il m’avait fallu cahoter au pas sous une arche solennelle de grands arbres. Les troncs élancés de ceux qui devaient être des hêtres offraient à la voute végétale une solide verticalité digne des bâtisseurs sacrés, offrant à mon âme tourmentée un élan vers le ciel. La pénombre au tamis de verdure était douce et apaisante, traversée comme en songe de longs rais d’un soleil timide qui semblait inquiet et respectueux de ma confuse mélancolie. Quelques larmes froides tentaient de se frayer un chemin au nœud de ma gorge encombrée de sanglots qui, même eux, me semblaient inconvenants. Je ne pouvais échouer, j’allais noyer mes idées sombres au cristal ondoyant d’algues émeraudes dans lequel se reflétaient quelques nuages gris et lourds, annonciateurs d’averse. Au sortir du tunnel boisé et protecteur, les yeux plissés aux éclats, j’avais dû avancer à découvert. Ni pêcheur, ni promeneur pour contrarier mon funeste dessein. Si mon avenir me paraissait se fourvoyer dans une trop longue impasse, la voie elle, était libre.  Mon ironie ravalée j’avançais prudemment jusqu’à la rive, molle des lourdes pluies printanières, prenant garde qu’un collet de roseau n’exécute pas  prestement et prématurément, ma dernière volonté.
    L’étang Franchot, c’était son nom, qui émaillait cette forêt du Haut-Juré, le portait bien mal, son nom. Il me parut à cet instant sournois et plus que froid. Aucune libellule pour virevolter, ni croassement bucolique happant quelque mouche ou sombre idée, pour conter légende de prince.
    C’était une pauvre flaque froide. Je fis encore quelques pas espérant trouver l’endroit propice à mon acte et le courage à la hauteur de mon drame d’alors. Les corbeaux commençaient à se moquer et j’avais froid aux pieds comme au cœur. Accroupie au bord de ma délivrance, un long cri jaillit soudain du tréfond de ma poitrine. Le monde se tut. Et ce ululement de bête blessée répara soudainement mon âme, me soudant à la vie.
    Le soir tombait sur l’étang, il fallait que je rentre, rendre ce petit coin de nature à sa paix meusienne. J’avais, me semblait-il, échoué à l’épreuve de thermodynamique des fluides, demain la chimie organique  que j’adorais, me donnerait, peut-être, une seconde chance. 

     

     

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  • Mon amie la rose

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    On est si peu de choses et mon amie la rose est morte ce matin.

    Je ne voudrais pas que l'écrit d'hier puisse être le dernier. Il a des accents rageurs alors qu'en fait je ne suis plus dans ces reproches depuis longtemps.

    Ce qui a changé ces derniers temps c'est ma capacité à regarder les situations en face sans émotions perturbatrices et cela me permet de me poser de nouvelles questions pour aller plus loin.

    Bien sûr si un dialogue ouvert avec les protagonistes était possible cela faciliterait la compréhension des événements mais depuis toujours le dialogue vrai est impossible.

    Il ne reste que les traces et l'imaginaire du pire.

    Car oui je pense que souvent ce que l'on imagine est pire que la réalité.

    C'est qu'il en faut peu pour traumatiser un enfant.

    Quelques mots. Un geste.

    Puis le travail de mémoire vient creuser les sillons. L'esprit est comme pris au piège dans le labyrinthe et le Minotaure caché dans le plus obscur repli nous terrifie. Nous arpentons encore et encore les couloirs sombres de nos traumatismes à en user le pavé et la semelle de nos godillots. Si le traumatisme primal nous est inconnu ou inaccessible, nous nous heurtons aux murs à chaque changement de direction et le Minotaure reste un monstre chimérique. C'est peut-être que ce n'est pas la direction qu'il faille changer mais notre état d'esprit.

    Alors vient le temps des stratégies.

    Nous allons négocier avec le traumatisme.

    La plus simple des stratégies est le déni mais c'est aussi la plus dangereuse car vous allez nourrir le Minotaure avec l'énergie surpuissante de l'inconscient. Choisir le déni c'est marcher à reculons, les yeux bandés et prendre le risque de tomber dans un puits sombre et profond, peuplé de créatures démoniaques. Auriez-vous un jour le courage d'y descendre volontairement ? J'en doute. Mais un traumatisme nouveau même minime peut à tout moment en ouvrir la trappe sous vos pieds.

    Si votre déni vous a doté d'ailes de cire et de plumes vous pourriez être tentés, tels des Icare de télé-réalité de chanter « je vais bien tout va bien » vous condamnant ainsi à battre des ailes et brasser du vent sans cesse car c'est alors tout le sol du labyrinthe qui serait l'entrée du puits vous interdisant le repos ; et monter plus haut assurerait la chute.

    Avancer vaille que vaille sans jamais se retourner c'est ignorer qu'un élastique de longueur variable vous relie au Minotaure et que plus vous allez avancer et plus cet élastique va se tendre et pour amoindrir votre effort vous allez prendre des virages de plus en plus souvent, croyant faire face a des vents contraires. Mais, comme tout système dynamique, cette avancée à marche forcée aura des limites, vous condamnant au mieux à un surplace laborieux chahuté de vents changeants et au pire à un renvoi brutal aux origines de votre traumatisme écrabouillé, vous éclaboussé d'une bouillie sanglante de Minotaure devenu incompréhensible.

    Après le déni vient la stratégie de la conscience passive, la tétanie prudente. Je sais qu'un monstre est là quelque part. Je le sais je vois son ombre au mur de ma caverne refuge qui n'est en fait qu'un carrefour saisissant. Cette ombre se mêle à la vôtre à chaque mouvement. Mais que va-t-il se passer au déclin du jour ? L'ombre projetée va grandir, grandir jusqu'à vous engloutir, tout entier.

    Alors quoi ?

    La guérison est un plan complexe qui se déroule par étape.

    L'urgence consiste à se mettre à distance de sécurité du trauma ; pas trop loin afin d'en avoir une image précise ; assez loin afin qu'il ne puisse pas aggraver la blessure.

    Ensuite faire péter le plafond du labyrinthe, laisser l'alternance des jours et des nuits nous donner la cadence.

    Chaque jour œuvrer, contempler, observer chaque encoignure, les inscrire en conscience.

    Sentir les pierres solides sous les pieds, prendre conscience de ses capacités actuelles faire un état des lieux et commencer à imaginer quelle sorte de lame pourrait vous être utile, qu'elle sorte de l'âme.

    Vous nourrir de connaissances et de travail bien réalisé. Vous préparer à affronter le monstre.

    Durant les nuits, se souvenir des jours chauds et lumineux. Palper vos armes nouvelles, cultiver votre réassurance. Bercer l'enfant de souffrance pour apaiser ses douleurs et ses craintes. Lui dire qu'à chaque nouvelle acquisition vous devenez plus habile, plus fort.

    Un matin se mettre debout. Être grand. Décider qu'il est temps.

    Alors ce jour vous saurez que vous êtes à l'exacte bonne distance du Minotaure.

    Trois choix vous seront alors offerts. 

    Si le traumatisme est ancien, devenu énorme, nourri de déni, lourd de conséquences douloureuses, alors de votre lame la plus puissante vous devrez « lui faire la peau ». Avec amour. Amour pour vous. Et au soir tombant, informer l'enfant de la mise à mort ou de la condamnation à vie, officielle et juste de son bourreau. Toucher le Minotaure de la pointe acérée du glaive de la justice c'est rendre possible sa transformation en un pilier de marbre et de pouvoir s'élever dessus.

    Mais peut-être que le traumatisme est secondaire ou de moindre envergure, pas si effrayant que ça finalement et que vous voudrez juste vous en libérer.

    Alors, parce que l'élastique aura la tension idéale, vous couperez une à une chaque fibre qui vous relie à lui et à la dernière section chaque demi-brin tombera mollement au sol, sans vous blesser, sans réveiller le Minotaure endormi. Vous lui direz au revoir et merci et vous poursuivrez votre quête d'un plus loin, l'enfant soulagé perché sur vos épaules.

    Si l'enfant pense que le trauma compte pour lui alors, en gardant arme au côté et idéale  distance, vous emmènerez avec vous le Minotaure domestiqué. Avec vous, comme en laisse, ce choix vous demandant une vigilance de chaque instant.

    Et si malgré vous l'affrontement a lieu lors d'une nuit froide et sombre, souvenez-vous des jours lumineux et soyez la lumière car vous n'êtes pas vos traumatismes. Tenez-le à distance vaillamment avec vos armes anciennes. Ce n'est pas le moment d'allumer la forge aux flammes dansantes, mères de géants agités. 

    Rassurer l'enfant effrayé et rappelez-vous que l'autre nom du Minotaure est Astérion « petite étoile » et promettez lui qu'un jour, vous apprendrez auprès des anciens comment faire la bonne lame et que vous en ferez une.

    Au matin suivant, faites-le.

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  • Pensées. Point à la ligne.

    Dimanche, le dernier de septembre.

    L'approche des élections a relégué l'épidémie au bas du classement des infos, maintenant on passe à l'étape troisième guerre mondiale ça va camoufler le désastre jusqu'aux élections. Désastre économique, l'Australie ne veut plus de nos sous-marins diesel. Forcément un programme de livraison sur 50 ans quand on sait qu'il n'y aura plus de carburant dans 50 ans de quoi refroidir les envies, à moins qu'il y ait une fonction pédalo sur nos sous-marins !

    Bref l'ennemi désigné sera donc l'Australie ça tombe bien c'est loin. Les USA s'ils sont bonhommes nous fileront des miettes et on dira merci en remuant la queue. Je ne pensais pas écrire là-dessus mais bon…

    Beaucoup de journaleux s'emparent de la question trans c'est souvent très mal fait, faux et tellement mal compris ! Bon OK ce n'est pas parce que mon fils est trans que je suis subitement devenue une spécialiste mais quand même ça fait mal de lire autant de bêtises sur un sujet aussi sensible.

    Purée pourquoi je respecte les marges ; c'est pas bien les marges personne ne va me mettre une note. Bon sang il suffit d'une ligne rouge pour nous faire rentrer dans le rang. La désobéissance civile sera notre salut.

    10 février 2022

    Parce qu'il faut écrire !

    Gros épisode bien flippant côté santé : violentes douleurs dans les doigts je pense tout de suite au pire :  thrombose, vascularite, arthrite, on ne se refait pas !

    Bilan sanguin : j'ai une grosse anémie. Ca craint, mais moins que mes angoisses…

    Sinon Macron continue à faire joujou avec nos vies. Les hommes jouent à la guerre avec les hommes et les femmes avec les hommes, les trans contre tous et les non-binaires tentent d'être la Suisse.

    Les êtres humains me semblent perdus à leurs propres yeux. Lost in Translation. J'aimerais que l'on revienne à plus d'humanité, de bienveillance. Tout est parti en couilles je ne trouve pas d'autres mots.

    J'ai révisé les pays d'Europe :  Autriche Allemagne Belgique Bulgarie Chypre Croatie Danemark Espagne Estonie Finlande France Grèce Hongrie Italie Irlande Luxembourg Lettonie Lituanie Malte Pays-Bas Pologne Portugal Roumanie République tchèque Suède Slovénie Slovaquie.

    Les élections dans deux mois et nous allons collectivement réélire Macron le fossoyeur.

    Les parents font la gueule, encore.

    C'est insupportable.

    Bientôt le printemps.

    Nous devrions chanter la vie, danser la vie.

    J'ai revu le beau Francis et son regard si doux, si triste.

    Il faudrait tout changer.

    Tout nettoyer.

    Voilà.

    Refaire du beau, du vert, du coloré. Remettre de la vie dans la vie.

    Relever nos manches, tendre la main aux plus démunis, câliner les plus tendus. 

    Faire la fête et des bébés.

    Être intelligents. Et gentils. 

    Moi, je ne supporte pas l'idée même de la guerre.

    Les fanatiques m'effraient quel que soit le sujet de leur obsession.

    On devrait chasser les maux avec de la musique.

    J'ai des envies de militantisme non-violent. 

    La tâche est immense.

    Mais.

    Nous pouvons.

    Écrire ce livre sur la lignée matrilinéaire est une gageure et je ne veux pas y laisser ma peau. L'arbre évolue bien, nous en sommes à la génération des psy : Julie, Jean-Max, et H ! On n'oblige pas les gens à changer mais le travail individuel fera la lumière.

    Nous sommes les héritiers de drames anciens. Il est nécessaire de les voir comme tels pour les tenir à une distance raisonnable de nos vécus sans toutefois les perdre de vue. Leur pollution est persistante mais non irréversible. Irréversible n'est pas le bon mot. Ce qui est arrivé est arrivé. Les victimes ont souffert énormément mais notre compassion ne doit pas nous rendre perméable à tous leurs abus.

    Je suis contente de mon niveau de compréhension du monde et des personnes, cela me permet de pardonner.

    L'Humanité va mal. Que s'est-il passé ?

    Nous n'avons pas su gérer notre propre violence. Que pouvons-nous faire ?

    Produire ? Oui mais alors seulement de l'amour.

    Prendre soin. De la maison Terre, des animaux, des humains, de nous, d'un JE à poil, tout ça en même temps.

    Danser, danser, danser.

    Le 6 avril Maxine m'offre le Bolchoï mais je n'ai pas de pass. 

    Nous avons laissé faire ça. Cette aberration. Cette discrimination absurde et irrationnelle.

    Et comment allons-nous pouvoir revenir en arrière ?

    La logique ne peut corriger ce que la peur a tricoté. Et encore je dis la peur, je suis gentille j'aurais pu faire appel à Machiavel, au sordide, au dieu business.

    j’ai fait mille bornes en fauteuil, en deux ans, dans ma maison. Mobilité réduite.

    Le scandale Orpéa et Korian m'a "réjouie", enfin un « me too dépendance » ; mais en à peine quelques jours le soufflé retombe et le titre remonte. Coup d'épée dans l'eau.

    C'est quand même dingue tout ça.

    Je pense à mes enfants.

    Les chéri-e-s sont courageu-x-ses mais est-ce que ça suffira ? Sont-iels heureu-x-ses et le seront-iels à l'avenir ?

    Je rêve d'un morceau de colline et de petits chalets autour d'une grande salle commune, d'un verger et d'un petit bois avec des cabanes perchées. Je vous assure quand on a quatre enfants on peut fonder un village.

    Faire pousser des tomates. Cueillir des figues et des olives. Et le soir à la veillée, raconter des histoires en berçant les petits, des histoires du temps d'avant le plastique.

    Comment ne pas sombrer dans la désolation devant l'état de notre seul monde.

    Sommes-nous collectivement fous ?

    Ou alors c'est moi ?

    Cette question de la folie est ce qui imprègne l'aubier de notre arbre et cette sève est loin d'être douce. Ce jus effrayant remonte à l'internement de Marie-Florence durant 24 ans pendant lesquelles le monde a continué à tourner alors qu'elle est restée figée dans cette nuit terrible de mars 1902.

    Il y a 120 ans. Combien de générations ont hérité de cette peur ?

    Et je ne parle évidemment pas d'une peur consciente mais d'un parfum nauséabond de jugement, de scandale, de honte publique, suivi d'une mise à l'index aveugle et sourde à toute cause.

    Clémence 17 ans au moment du drame.

    André née en 1923

    Nicole né en 1942

    Marie en 1969. 

    Avais-je peur d'être un peu folle en 1979 quand je suis tombée malade ? Oui bien sûr que oui, sinon pourquoi les médecins du CHU auraient proposé un accompagnement psy ? En même temps il y a peut-être des façons de proposer à une enfant de 10 ans qui a des choses à cacher.

    Quel dommage. Cela m'aurait sans aucun doute tellement aidée !

    Une proposition. une seule. que j'ai refusée. 

    Je vois certains de mes pairs Handicapés, dotés d'une vaillance, d'une confiance en eux qui les porte, les illumine de l'intérieur et souvent ce souffle de vie est leur héritage.

    Chez moi, chez nous il y a encore du ménage à faire.

    Bon j'ai fait tomber le capuchon de mon feutre donc je vais devoir continuer à écrire…

    On ne vit pas impunément ces vies porteuses de handicaps lourds sans payer un tribut intellectuel, spirituel.

    Ma vie me convient, elle n'est pas faite de plaintes, de regrets ou de jalousie ; mais elle est jalonnée de pourquoi c'est advenu et comment le vivre au mieux.

    J'ai découvert il y a peu que dans les familles détentrices d'un secret de famille il y avait une tendance à tuer toute velléité de curiosité dès le plus jeune âge ce qui a pour conséquence fâcheuse de casser un phénomène indispensable aux apprentissages : la mémorisation.

    Moins tu en sauras, mieux tu te porteras. Sois obéissant. Ne pose pas de question. Tu es trop petit. Seuls les adultes comprennent et toi on va te garder bébé. Longtemps.

    Je vous laisse imaginer l'état d'un jeune plant à qui on demande d'ignorer l'état de ses racines.

    Mais savoir, se souvenir, est dangereux donc interdit en un seul mot. Inter-dit en deux mots c'est plus joli.

    Combien de fois avons-nous entendu "Ça ne te regarde pas."

    Ça ne te regarde pas. La violence de cette phrase.

    Comme si les anciens n'étaient pas aussi nos anciens. J'utilise ce mot à dessein parce que ce sont nos passés qui font nos présents et que même si l'arbre porte son lot de fruits compromis c'est mieux que pas d'arbre du tout. On ne peut vivre sans racines. Et puis si ça ne nous regarde pas, qui le fera ?

    Je me demande parfois pourquoi mes parents ont eu des enfants. Qu'avaient-t-ils à nous donner ? Ou leur fallait-il quelqu'un pour partager le fardeau ? Si j'écrivais ce livre que se passerait-il ? Le monde continuerait à tourner, la troisième guerre mondiale adviendrait, le système s'effondrerait ?

    Mes enfants auront-ils des enfants ou sont-ils "la dernière génération" ?

    Je dis parfois que je ne peux pas avoir écrit « le dernier homme est une femme » sans avoir semé cette graine duelle de l'espoir et du doute. Je dis aussi que la conscience est inconfortable. Il y a quelques jours je parlais avec Lola du monde, de l'avenir et du fait de devenir parents, mettre des enfants au monde, du sens de la vie.

    Être une maman a été et est encore pour moi un moteur surpuissant et un bonheur de chaque jour. Quelles seraient leurs vies, leurs motivations, sans enfants ? Certain-e-s  de mes ami-e-s n'ont pas d'enfants pour diverses raisons. Iels me semblent heureu-x-ses, ce n'est pas la question qui me taraude.

    Il me semble juste que je n'ai pas laissé cette possibilité, cette liberté à mes enfants. Devenir parents étant comme inscrit dans nos gènes.

    Bon je me rassure en me disant que mes enfants ont une liberté d'être qui n'est plus à prouver. Mais j'ai peur que ce choix relève plus du renoncement triste.

    Qu'avons-nous fait à nos enfants ?

    Y a-t-il d'autres freins que je ne comprends pas ?

    Avoir des enfants c'est voir vieillir ses parents ?

    Vieillir soi-même ? Renoncer à l'enfance ?

    C'est fou. Et iels n'ont même pas été difficiles à élever. Sont-iels où ont-iels été si malheureu-x-ses ?

    Mes chéri-e-s, j'aimerais tant pouvoir leur prédire un avenir radieux fait de rires d'enfant et de chants d'oiseaux.

    C'est comme une symphonie discordante. Être au clavier et appuyer compulsivement sur les mauvaises touches ou plutôt dans le mauvais ordre.

    Est-ce le piano qui est désaccordé ou le pianiste ? Sans doute les deux non ?

    Il ne s'agit pas d'inconciliables mais de lignes d'équilibre à retrouver. On ne peut pas tirer sur la corde sans fausser le balancier.

    Trop d'humains. Trop de consommation. Trop de violence. Trop de drames. Trop de haine. Trop d'égoïsme. Trop de bêtise.

    Où sont les bienveillants, les respectueux, les gentils, les amoureux ?

    Où sont les penseurs, les intelligents, les généreux ?

    Ah bon sang. Quel drôle de monde.

    On va gratter du papier. Arrêter de se faire un sang d'encre. Il y aura une voie. Un pas après l'autre. Jour après jour.

    Faire les semis et rempoter les orchidées. Et écrire ce livre. Faire ma part. La rendre concrète.

    Bon allez, ensuite la suite.

    Et Lola m'a dit qu'elle ne m'en voulait pas de l'avoir mise au monde et que ce jour de notre discussion elle était heureuse. Je lui ai dit qu'il en irait de même pour leurs enfants.

    Pour une fois j'aimerais avoir raison. 


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  • A nos printemps

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    J'attends la floraison d'un certain chèvrefeuille. Il explose de toutes parts, gorgé d'eau, de soleil et nourri par l'humus d'une haie de lauriers. Il habille le vieux mur que nous avons remonté, il y a quelques années il était effondré. Escaladant la grille et cachant fer et rouille, il drape de verdure ce coin de ma nature. Aujourd'hui il s'élance plus haut que raisonnable, laissant voir aux passants un bien étrange voisin, ébouriffé chevelu et bientôt odorant.

    J'attends sa floraison, associée en mon âme, au balancement doux d'un amour bien ancien, subtilement déclaré tout en ayant jamais, franchi l'ordre du coeur, aussi immatériel que le parfum des fleurs.

    Tu es mon chèvrefeuille et je suis ton jardin, soyons encore printemps en ces jolis matins. Nul ne sait à part nous que l'un ne va sans l'autre et qu'ensemble cet amour nous l'offrons à nos hôtes. Je t'aime depuis tant que je ne saurais compter, sans attente et sans preuve, autre que quelques mots sur mon coeur tatoués.

     

  • L'âme de fond

    Il y aura l’eau, le départ, le feu au ventre, un brasier de peur et d’envie, le souffle coupé, l’eau, le miroir tendu inexorablement. L’aventure commencera.

    Vaporeuse est la brume qui m’entoure, je suis couché au fond d’une barque, recroquevillé. Le clapotis oscille de la menace à la rassurance et mon âme est prompte à basculer de l’une à l’autre.

    Je me souviens de vieux brouillards en des jeunes temps, ils n’étaient alors que brumes de lait assorties de quelques voiles de coton et de soie, enfance mal dégrossie piégée entre le temps des autres et quelques anciens silences. Il y avait eu aussi les champs de tempêtes quand les noirs nuages des colères rentrées avaient crevé le ciel peint en force bleu. Puis les eaux rage et les eaux de cœur en nappes de pique, niqués les décors, bafoués les serments, sales errements aux yeux crevés, il n’y a pas plus aveugle que les corps amoureux-fous des dits-eux. Triple sot. Ôte donc le foulard qui te bande tous les orifices, piétiné le frêle esquif par des troupeaux de moutons ou de porcs, regarde donc où te mènent tes yeux qui ne savent ou ne veulent voir. Les éclaircies, ces éclairs-là.  Châteaux de brumes inférieures  en laisses et en pagnes, primitives survivances, lucidité amère, océans acides. Survivante des camps partisans et des batailles passées à la chaux vive des souvenirs tenaces. Bien sûr, il y avait le soleil en tenailles entre deux guerres, les affrontements de bonheurs volés, tout  enrobés de paille et d’allumettes, les embrasements calcinant  les jeux de mains, la foudre au cœur, les hier chantants renversant les lendemains qui pleurent, conchier sa propre peine et les repos forcés et puis la rage. La rage.

    La rage de vivre vissée dedans, profond, transpercée entre-deux bords, c’est par là que sourde la lumière, tu le sais bien. Tu l’as déjà vue dans tes enterrements de face, quand tu avais creusé si profondément pensant enfouir tes douleurs de vivre en fuyant les incendies dans les voiles, six pieds sous ta mer, perdus  plus bas que les abysses méandreux d’un cerveau construit en bûcher, ils auraient dû te prénommer Jeanne. Et tu regardes médusée cette lueur falote, fanal primordial  au reflet céladon, pourvu qu’elle soit d’un phare bâti sur un rivage espéré malgré tout.

    D’où naissent les remous ? Des espérances dures en lames de front, heurtant les plages marmoréennes des certitudes gravées trop tôt, Etretat suicidaire de tendre enfance. Il faudrait trouver le sable en soi, le grain minuscule, le transpercer, elle serait là. Elle est là.

    Tu flottes. Migrant sans ailleurs. Tu as incendié tous les soleils couchants faisant lever la brume ultime, l’essence du conflit qui te déchire l’âme en copeaux, remplissant ton embarcation schizophrène de larmes sèches, râpe tes derniers bords aux parapets.

    Vivre-mourir.

    Et s’il y avait un pont ?

    Une fosse commune pour y couler les fondations de ton arche.

    Radeau planétaire lève ton encre des trous noirs, écolier naufragé libre d’écrire, sous ta plume qui tremble, toutes les fins.    

  • L'éternelle

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    Photographie Maxine Decker Photographe© - Déesses

     

     Elle a vingt ou mille ans

    Et qu'elle ouvre son âme, ses bras ou bien son coeur,

    Tu sais au fond de toi que brisé tu seras, dans une vie, dans une heure.

    Qu'elle parte ou qu'elle te garde, quand tu la perds tu pleures.

     

    Elle a vingt ou mille ans

    Et tu l'aimes comme un fou, depuis longtemps tu vois.

    Elle attendait de vivre dans tes yeux, dans ton corps et ta foi.

    Avant de la connaitre elle était déjà là.

     

    Elle a vingt ou mille ans

    Et il t'en faut plus alors pour que tu la comprennes, la chérisses et l'honores.

    Dans toutes ses tendresses, des matins les plus purs jusqu'aux soirs pailletés d'or.

    De l'aube des caresses aux longs soupirs encore.

     

    Elle a vingt ou mille ans

    Et elle est Dame Nature, faite femme pour toi, déesse des eaux vives et princesse des bois.

    Merveilleuse éphémère, bienheureux bien-aimé d'un conte où tu es roi.

    Prisonnier volontaire d'un amour courtois.

     

    Elle a vingt ou mille ans

    Et si  elle est alors, muse divine et féconde, de la coupe sacrée l'écrin intemporel

    Elle enfante pour toi, et le monde et le ciel, amante adamantine des amours charnelles,

    Gardienne au creux du corps de la flamme éternelle.

     

  • Chronos

    piano,eau,bonde

    Il y a l’eau, le soir naissant, l’eau, les rides irisées, l’eau, le soleil de jeune nuit, l’eau, le vent caresse et le piano bateau qui semble aussi léger qu’une éphémère. C’est sauvagement beau, farouchement poétique, ça vous saisit le cœur à plein regard.
    Il y a la rive, peuplée d’une cohorte joyeuse, hétéroclite, les maillots de bains chips côtoient le brunch chic du couple tout de blanc vêtu, venu de Lourmarin et « seulement pour le piano », les familles qui repoussent un peu la fin de ce week-end de fête des mères par cet impromptu aqua-musical. C’est surprenant, communiant, rassemblement improbable, ça vous unit l’âme en pleine humanité.
    Puis les premières notes qui répondent à la promesse. Sur la rive le silence conquis, sur l’eau la résonnance cristalline, enchanteresse, sur la rive le même frisson qui nous relie les uns avec les autres, ensemble dans le partage, reconnaissants.
    C’est un moment d’humanité. Un magnifique et doux morceau de temps gravé à jamais sur la courbe de chronos.
    Le violoncelle sur le ponton chante maintenant avec le piano.
    Apparaît un Pégase flottant, portant une autre fée de la musique, qui braille. Un interlude loufoque pourquoi pas, nous sommes bien venus pour un piano sur l’eau alors une sirène palmée chevauchant baudruche aux ailes d’or ne devrait pas nous étonner. Elle prend place au piano, le tulle de sa robe enchevêtré dans les palmes comme des algues. Et, massacrant chant et musique bien que faisant la démonstration d’une belle capacité vocale, déclame quelques vers qui se veulent décalés comiques. Certains le sont comiques, voire déjantés voire complètement barrés voire trop. Presque. Le violoncelle détache ses amarres il ne flotte pas tout à fait et l’instrument prend l’eau. Les regards s’interrogent, espérant que ça ne dure pas mais l’interlude prend de vilains airs de seconde partie, le ton devient vulgaire. Le violoncelle est maintenant couché dans l’eau, le tuba fini noyé dans un couac gargouillant. Le couple tout de blanc vêtu quitte démonstrativement la rive pour regagner la hauteur qui surplombe la scène.
    Après quelques trop longs morceaux la première musicienne est revenue au piano, l’envie inassouvie est toujours là bien que projetée dans un abysse de questions, pourquoi ? Aurions-nous dû nous en douter ? Serions-nous venus ? Est-ce bien ou mal ? Elle joue quelques notes pansements. L’autre fille éponge la queue du piano sur laquelle elle dégouline. Le piano radeau de la méduse dérive.
    En sommes-nous réellement là ? Sommes-nous capables de nous réunir pour assister impuissants au naufrage de l’art et d’instruments si précieux sous les yeux de quelques-uns qui auront sacrifié quelques deniers ou énergies pour offrir aux enfants un moment non-ordinaire ? Ou justement l’Art est venu nous demander si nous allions sombrer avec le navire ?
    Nous sommes comme des réfugiés sur cette rive, survivants d’un monde qui sombre en lui-même, venus chercher un souffle d’espoir en cet ailleurs si proche et qui, finalement, nous aura bousculés éhontément, refoulés dans ce que nous portons de médiocre, vulgaire amas de chair avide de poésie foutraque.
    Je me surprends à penser "on est foutus" avec dans le rôle de "on" l'humanité, une sorte de révérence irrévérencieuse, un crépuscule grandiose et grotesque, un aveu de potentiel gâché consciemment.
    Le piano sur l’eau a tenu sa promesse, un peu, et tout le contraire.
    Ce soir le piano sur l’eau était un homme.
    Comme si nous ne méritions pas la splendeur.

  • Sagesse de feuille morte

    Jardin noyé de pluie. L'automne a mené avec lui l'eau du ciel, salvatrice. Un automne doux, de renaissances.

    Enfin abreuvée la nature gorgée s'est offert un nouveau printemps, un supplément d'âme pour montrer que la vie est, patiente, tapie sous les sèches. Un éclat de verdure avant le grand sommeil.

    Là, dressée sur la nappe d'herbe crue, l'or élancé du prunier sauvage. Flamme éclatante d'un cycle qui touche au but. Or jaune d'un été glorieux, branches tendues au ciel d'azur.

    Et l'ondée s'est faite rage, puis déluge. Tonitruante Durance, mistral fougueux. L'été est mort dans la violence d'un sombre ciel au regard de cendres.

    Là, sur le tendre tapis, gisent les larmes dorées du vieux prunier.

    Vient l'ultime étape, éteindre un à un les soleils qui étoilent le jardin, pour les rendre à la terre.

    Pourrir, noblement, nourrir les futurs. Car c'est ainsi que vivent les hommes. Nature.

    Que naîtra-t-il de la rudesse ?

    Crachins, gelures, calamiteuses plaies viendront tourmenter l'hivernale nuit et quand les corbeaux, la sorcière et les êtres méchants, tous gonflés de nos peurs, s'arrogeront le printemps, il nous aura fallu du sauvagement doux et de longues veillées pour conter aux enfants la sagesse des pruniers.

    Aux armes citoyens et qu'elles soient de parole, d'actes clairs, coeurs purs, têtes hautes, vaillamment.

    Aimez-vous comme de l'or, vous qui n'êtes que des fruits, destinés à pourrir en regardant le ciel.

    Dans tous nos jardins les vieux pruniers sauvages, de la nature et des hommes sont souvent les plus sages.

    Pour qui vous pensez-vous qui prenez la parole, vous disant haut et fort maîtres des paraboles.

    Avez-vous seulement lu le livre des jardins car si vous l'aviez fait vous sauriez-vous nains, bienheureux sans le sou, aussi puissants que poux.

    Vous pensez écrire l'histoire, prétentieux humains, bruyants épouvantails qui ne verront demain. Votre langue est funeste, la pitrerie grotesque. Tout juste parviendrez-vous à dorer vos blasons mais n'égalerez jamais feuilles mortes au gazon.

    Taisez-vous donc alors et laissez la parole, à quelques feuilles d'or qui en savent plus encore.

  • Imagine

    auribeau,maxine decker

    Copyright © Maxine Decker

     

    Imagine

    Il y aurait l'absence, tue et je serais, là. 
    Il y a ici le banc, trop petit paraît-il,
    Est le silence, je m'y assois, encore, 
    Si j'ignorais, jusqu'alors, son existence 
    Éternelle fulgurance, de mémoire, subtile 
    L'homme derrière,  moi et le bois mort
    L'arbre à l'ombre douce, berce l'âme
    Seule. La lumière vit. Inonde l'essence,
    Au fond, le coeur des fleurs denses. Immobile,
    Tuer las le mal, d'une mauve souffrance
    Indolence vague au souffle. Visible, là.
    Tu es. Mon amour, infini. Sois encore.

     

  • Les mémoires de janvier

    mémoires,janvier

    La terre est gelée vive, l'air tendu à bleu sous le ciel à fond dur des jours pétrifiés.

    La glace des mémoires réfléchit les silences clairs obscurs des naissances mortelles.

    Les amants sont fourbus des étreintes enlacées et perdues des amours passées.

    Or, l'abandonnée au froid ne craint les hivers, confiante patiente-t-elle. 

    Des braises la consument pour que s'allument encore les couchants incendiés.

    La pétillante est sous les couches, serpentine germée au cœur rougi des poêles.

    Joie, faut-il que tu sois fruit de l'aurore glacée des jours si courts des années ?

    Née des frimas pour mieux mourir d'aimer, souvenir vivant des mémoires de janvier.