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Moi, mon corps et Moi

  • Mon amie la rose

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    On est si peu de choses et mon amie la rose est morte ce matin.

    Je ne voudrais pas que l'écrit d'hier puisse être le dernier. Il a des accents rageurs alors qu'en fait je ne suis plus dans ces reproches depuis longtemps.

    Ce qui a changé ces derniers temps c'est ma capacité à regarder les situations en face sans émotions perturbatrices et cela me permet de me poser de nouvelles questions pour aller plus loin.

    Bien sûr si un dialogue ouvert avec les protagonistes était possible cela faciliterait la compréhension des événements mais depuis toujours le dialogue vrai est impossible.

    Il ne reste que les traces et l'imaginaire du pire.

    Car oui je pense que souvent ce que l'on imagine est pire que la réalité.

    C'est qu'il en faut peu pour traumatiser un enfant.

    Quelques mots. Un geste.

    Puis le travail de mémoire vient creuser les sillons. L'esprit est comme pris au piège dans le labyrinthe et le Minotaure caché dans le plus obscur repli nous terrifie. Nous arpentons encore et encore les couloirs sombres de nos traumatismes à en user le pavé et la semelle de nos godillots. Si le traumatisme primal nous est inconnu ou inaccessible, nous nous heurtons aux murs à chaque changement de direction et le Minotaure reste un monstre chimérique. C'est peut-être que ce n'est pas la direction qu'il faille changer mais notre état d'esprit.

    Alors vient le temps des stratégies.

    Nous allons négocier avec le traumatisme.

    La plus simple des stratégies est le déni mais c'est aussi la plus dangereuse car vous allez nourrir le Minotaure avec l'énergie surpuissante de l'inconscient. Choisir le déni c'est marcher à reculons, les yeux bandés et prendre le risque de tomber dans un puits sombre et profond, peuplé de créatures démoniaques. Auriez-vous un jour le courage d'y descendre volontairement ? J'en doute. Mais un traumatisme nouveau même minime peut à tout moment en ouvrir la trappe sous vos pieds.

    Si votre déni vous a doté d'ailes de cire et de plumes vous pourriez être tentés, tels des Icare de télé-réalité de chanter « je vais bien tout va bien » vous condamnant ainsi à battre des ailes et brasser du vent sans cesse car c'est alors tout le sol du labyrinthe qui serait l'entrée du puits vous interdisant le repos ; et monter plus haut assurerait la chute.

    Avancer vaille que vaille sans jamais se retourner c'est ignorer qu'un élastique de longueur variable vous relie au Minotaure et que plus vous allez avancer et plus cet élastique va se tendre et pour amoindrir votre effort vous allez prendre des virages de plus en plus souvent, croyant faire face a des vents contraires. Mais, comme tout système dynamique, cette avancée à marche forcée aura des limites, vous condamnant au mieux à un surplace laborieux chahuté de vents changeants et au pire à un renvoi brutal aux origines de votre traumatisme écrabouillé, vous éclaboussé d'une bouillie sanglante de Minotaure devenu incompréhensible.

    Après le déni vient la stratégie de la conscience passive, la tétanie prudente. Je sais qu'un monstre est là quelque part. Je le sais je vois son ombre au mur de ma caverne refuge qui n'est en fait qu'un carrefour saisissant. Cette ombre se mêle à la vôtre à chaque mouvement. Mais que va-t-il se passer au déclin du jour ? L'ombre projetée va grandir, grandir jusqu'à vous engloutir, tout entier.

    Alors quoi ?

    La guérison est un plan complexe qui se déroule par étape.

    L'urgence consiste à se mettre à distance de sécurité du trauma ; pas trop loin afin d'en avoir une image précise ; assez loin afin qu'il ne puisse pas aggraver la blessure.

    Ensuite faire péter le plafond du labyrinthe, laisser l'alternance des jours et des nuits nous donner la cadence.

    Chaque jour œuvrer, contempler, observer chaque encoignure, les inscrire en conscience.

    Sentir les pierres solides sous les pieds, prendre conscience de ses capacités actuelles faire un état des lieux et commencer à imaginer quelle sorte de lame pourrait vous être utile, qu'elle sorte de l'âme.

    Vous nourrir de connaissances et de travail bien réalisé. Vous préparer à affronter le monstre.

    Durant les nuits, se souvenir des jours chauds et lumineux. Palper vos armes nouvelles, cultiver votre réassurance. Bercer l'enfant de souffrance pour apaiser ses douleurs et ses craintes. Lui dire qu'à chaque nouvelle acquisition vous devenez plus habile, plus fort.

    Un matin se mettre debout. Être grand. Décider qu'il est temps.

    Alors ce jour vous saurez que vous êtes à l'exacte bonne distance du Minotaure.

    Trois choix vous seront alors offerts. 

    Si le traumatisme est ancien, devenu énorme, nourri de déni, lourd de conséquences douloureuses, alors de votre lame la plus puissante vous devrez « lui faire la peau ». Avec amour. Amour pour vous. Et au soir tombant, informer l'enfant de la mise à mort ou de la condamnation à vie, officielle et juste de son bourreau. Toucher le Minotaure de la pointe acérée du glaive de la justice c'est rendre possible sa transformation en un pilier de marbre et de pouvoir s'élever dessus.

    Mais peut-être que le traumatisme est secondaire ou de moindre envergure, pas si effrayant que ça finalement et que vous voudrez juste vous en libérer.

    Alors, parce que l'élastique aura la tension idéale, vous couperez une à une chaque fibre qui vous relie à lui et à la dernière section chaque demi-brin tombera mollement au sol, sans vous blesser, sans réveiller le Minotaure endormi. Vous lui direz au revoir et merci et vous poursuivrez votre quête d'un plus loin, l'enfant soulagé perché sur vos épaules.

    Si l'enfant pense que le trauma compte pour lui alors, en gardant arme au côté et idéale  distance, vous emmènerez avec vous le Minotaure domestiqué. Avec vous, comme en laisse, ce choix vous demandant une vigilance de chaque instant.

    Et si malgré vous l'affrontement a lieu lors d'une nuit froide et sombre, souvenez-vous des jours lumineux et soyez la lumière car vous n'êtes pas vos traumatismes. Tenez-le à distance vaillamment avec vos armes anciennes. Ce n'est pas le moment d'allumer la forge aux flammes dansantes, mères de géants agités. 

    Rassurer l'enfant effrayé et rappelez-vous que l'autre nom du Minotaure est Astérion « petite étoile » et promettez lui qu'un jour, vous apprendrez auprès des anciens comment faire la bonne lame et que vous en ferez une.

    Au matin suivant, faites-le.

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  • Du droit de donner son avis

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    Du plus loin que je me souvienne il me semble que j'ai toujours eu des difficultés à donner mon avis ou plutôt que j'en ai été empêchée.

    Du grand-patriarcal «seuls les adultes» ont le droit de parler à table, suivi par le cinglant et systématique «pfff n'importe quoi maternel» qui tuait dans l'œuf toute tentative d'intervention de notre part à la table familiale, toujours pendant les repas. Repas qui se finissaient têtes penchées sur nos assiettes, pour moi les joues pleines d'une nourriture triste et remâchée, à ruminer pendant de longues minutes ; ce qui me valait le sobriquet de marmotte. Margotte la marmotte. Et je regardais de grosses larmes couler le long du nez de ma sœur cachée sous sa frange.

    Mes bouchées finissaient à la poubelle et ma sœur dans sa chambre.

    Puis il y a eu la maladie. Lors de la première crise le médecin a dit «elle a du se cogner, non ai-je dit, je ne me suis pas cognée» (ou alors dans un mur de silence) mais personne ne m'a entendue, non je ne me suis pas cognée… Ma parole ne serait-elle pas audible ? Pas digne d'intérêt ?

    Et puis les médecins parlaient sur moi mais quasiment jamais avec moi ou alors pour vérifier si je suivais bien les consignes. Prends-tu bien tes médicaments ? Ne bouge pas. Arrête la danse.

    Alors je suis rentrée dans ma tête et j'ai tout gardé pour moi. Mes peines, mes peurs et toutes mes douleurs.

    Pour ne pas déranger. Pas faire de bruit.

    J'ai gardé secrets mes amours, mes questions, mes détresses. 

    Je me suis nourrie des vies des autres, j'ai lu énormément mais la plus jeune de mes tantes se moquait, prétendant que je choisissais de gros livres pour me donner un genre.

    Les adultes sont bien cruels parfois.

    Et quand mon corps a débordé de non-dits et que je m'auto-berçais, assise au bord de mon lit, face au grand miroir de mon armoire bleue, ma mère me disait, en passant dans le couloir, arrête tu fais pleurer ton père.

    Que mérite donc une fille qui fait pleurer son père ?

    J'ai caché mes premiers baisers, mes sorties nocturnes, pris des risques fous insoupçonnés jusque dans les salles de repos des casernes de la ville. 

    Embrassé et plaqué des gars sans un mot.

    Séché des cours juste pour être seule. Aimé passionnément des hommes qui n'en n'ont jamais rien su et souffert des jours et des nuits, en silence.

    J'ai souvent commencé des journaux intimes mais même cette prise de parole était vite avortée.  « Sur mon bureau il y a un chapeau de mariée miniature avec des dragées dedans. J'espère qu'un jour je porterai un de ces chapeaux et une robe blanche, et que ce jour béni je serai à ton bras mon cher Olivier. » Olivier Rochère je l'ai tant aimé. Je crois qu'il le savait. Et je crois même qu'il m'aimait aussi. Il a gardé mon cœur vivant, nous avions, huit ans, neuf peut-être.

    Je lisais la petite maison dans la prairie et Michel Strogoff. Racines et la nuit des temps.

    Le meilleur des mondes.

    Les quatre années du collège furent sans doute les plus sombres de mon existence.

    J'étais terrorisée par certains profs, les cours de langue et leurs oraux étaient une torture quand bien même il ne s'agisse que de perroquer quelques phrases. Where is Brian? Brian passait sa vie dans la Kitchen. Et moi dans ma tête.

    J'apprenais le grec. Sans doute pour faire mon intéressante, bien que personne de mon entourage n'ait une quelconque pratique des langues anciennes.

    Puis vint le lycée et son cortège de complexes. J'étais une bille en histoire-géo. Je ne retenais rien ou si peu. Les premières vraies dissertations. Réécrire la fin de Germinal, avec le professeur Rioux ? Hélène mon amie t'en souviens-tu ? Parce que oui, malgré mon mutisme intime j'avais des amies. Des amies qui m'aimaient comme j'étais. Pour mon côté petit clown aussi, mais je crois que ces quelques, encore chères à mon cœur aujourd'hui, savaient qui j'étais et qu'elles m'aimaient quand même.

    Je connaissais des dizaines d'histoires drôles que je racontais dans le bus qui nous ramenait à la maison et les histoires à frémir de LoveCraft et de Stephen King que je racontais avec une délectation certaine aux cousins et cousines horrifiés et quémandeurs à la fois. C'est peut-être là que j'ai commencé à raconter des histoires. Pour taire la mienne.

    J'ai abîmé des histoires d'amour dans des gouffre de silence. Noyé et perdu des amitiés dans les eaux troubles des non-dits jamais éclairés à la lumière apaisante des confidences. Je me taillais une solide réputation de fille libérée, sur des fondations de néant et de soliloque pensif et remaché. Comme les bouchées indigestes de mon enfance. Ritournelle entêtante qui occupait tout l'espace. Tout le corps de ballet sur la scène sombre de mon for intérieur. Bacchanale secrète et désordonnée jusqu'à l'épuisement. Je dormais peu. Lisais jusqu'aux heures invisibles du cœur de la nuit et me levais au petit jour frileux pas encore coordonné de soleil. Les parents l'ignoraient ou faisaient mine de, trop occupés à s'entre-déchirer, nous au milieu d'eux. 

    Est-ce que nos vies comptaient ?

    Alors, imaginez nos avis...

    Et pourtant il nous fallait exister.

    Alors nous sommes entrées en résistance. J'ai milité contre le racisme, arborant fièrement mon badge touche pas à mon pote, même chez papy le patriote. J'étais des manifestations étudiantes contre la réforme Devaquet, si tu savais ta réforme où on se la met, aucu, aucu, aucune hésitation.

    J'avais participé au comité de rédaction des tracts pour la manif et avais surtout eu le droit de me taire. Seuls les terminales, masculins de préférence avaient eu le droit à la parole. Je m'étais contentée de tomber amoureuse silencieuse silençamoureuse du leader de notre groupe. Il s'est marié quelques années plus tard avec une des meilleures amies de ma sœur.

    Seul Dieu m'est témoin que j'ai aimé ce garçon, passionnément.

    Le premier à qui j'ai réussi à parler « de moi » a été un de mes cousins avec lequel j'ai eu un lien épistolaire fourni. Lui vivait une rupture ô combien douloureuse et m'écrivait des lettres fleuve durant ses longues nuits de garde à l'hôpital. Lettre auxquelles je ne pouvais décemment pas répondre de quelques mots froids et laconiques.

    Ces lettres précieuses, conservées enrubannées comme dans le plus tendre des romans, sont restées prisonnières de leur boîte chez mes parents. En otage. Cette boîte contient une partie de mon âme. Des tickets de cinéma annotés de prénoms amis ou amants. Des cartes postales déclaratives « je t'embrasse de Paris » d'un jeune collègue de mon père, qui avait reçu pour tout écho un « je t'embrasse de Strasbourg » qui avait laissé mon prétendant sans aucune voie. Et probablement les premières lettres de celui qui allait devenir mon mari et le père de mes quatre enfants.

    Cette boîte a été pillée par ma mère. Je le sais car, dans la seule lettre qu'elle m'ait jamais envoyée elle écrit « j'ai lu tes lettres à ton cousin Etienne dans lesquelles tu lui dis que petite tu avais prié pour être malade. Quel esprit tordu. »

    Mon dieu, cette femme n'aura donc reculé devant rien.

    Ce qu'elle ne sait pas, c'est que ma prière avait un début qui disait « Dieu tout-puissant protège maman, protège papa, protège ma sœur. Et moi je veux…

    Je ne vais pas l'écrire noir sur blanc, je suis en bonne santé aujourd'hui et toujours un peu superstitieuse. Des fois, dieu exauce.

    Quand j'ai commencé à écrire mais surtout, quand j'ai commencé à avoir des réponses au sujet de l'histoire familiale maternelle j'ai subi un vent d'opposition farouche. On m'a conseillé de me mêler de ce qui me regardait. De laisser les cadavres et les fantômes dans les placards. De foutre la paix à « tout le monde » avec mes histoires. De laisser maltraiter sans rien dire. De regarder ailleurs. De fouiller la merde dans ma lignée paternelle.

    Et de me taire.

    Sous peine d'être vouée à toutes les gémonies, de mon vivant.

    Alors aujourd'hui, quand j'ouvre ma bouche sur le pass vaccinal sur les réseaux dits sociaux, qui sont faits pour cela, et que l'on me demande de penser en silence, ça ne m'étonne pas. Et ça me donne envie d'écrire PLUS FORT que plus personne, et plus jamais, ne me fera taire.

    Parce que j'aime mes enfants et qu'ils n'hériteront pas de mon silence.

  • L’impossible choix

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    Je suis née en France en 1969. J’ai failli mourir de la coqueluche à 3 mois. J’ai fait des crises d’asthme de cette date jusqu’à mes 3 ans. J’ai reçu tous les vaccins existants à cette époque, des injections de gammaglobulines et j’ai passé trois étés en cure à la Bourboule. J’ai encore aujourd’hui des souvenirs d’étouffements et je ne supporte pas un drap sur le visage même en cas d’attaque de moustiques voraces.

    Quand à l’âge de 10 ans, alors que je venais d’être admise au conservatoire de danse, j’ai été diagnostiquée comme étant atteinte d’une polyarthrite rhumatoïde juvénile chronique, mes médecins ont évoqué un possible lien entre la PRC et la vaccination renforcée dont j’avais bénéficié dans ma petite enfance. La consigne de l’époque était d’une clarté absolue : plus aucun vaccin. Ce qui fut respecté, à la lettre.


    Imaginez, vous avez dix ans, une terrible maladie ronge vos os au point de faire totalement disparaître vos articulations comme si vous n’en aviez jamais eu, vous souffrez le martyre physiquement et psychologiquement car la danse c’est fini vous dit-on et les médecins potentialisent un lien entre les vaccins et votre état. Vous grandissez. Personne ne revient sur cette interdiction de vaccination. Vous connaissez les symptômes et conséquences du tétanos chez les humains, ben oui vous vous renseignez quand même sur les risques que cette interdiction implique. Vous flippez grave. Vous flippez d’autant plus que les médecins ont également parlé d’un risque de non consolidation si jamais vous veniez à vous fracturer un os. Vous dont le corps était l’instrument de beauté et de grâce, objet d’exultations quotidiennes à chaque arabesque, chaque grand-écart qui vous valaient en prime, étonnement et admiration.
    Vous voilà réduit à votre système immunitaire défaillant qui semble avoir hérité d’un appétit pour l’autodestruction absolument insatiable.
    Mais vous grandissez quand même, sans vous casser un os, ça la PR s’en charge un peu plus à chaque crise, même quand vous jouez à qui peut sauter du haut de la casemate, après tout vous avez onze ans et votre challenger, le voisin, d’un an votre aîné, est beau comme un dieu. Et sans contracter le tétanos même si cela vous arrive d’aller ramasser les vestiges rouillés des deux guerres sur les champs de bataille cabossés de la campagne verdunoise.
    Puis un jour vous avez un enfant. Un nourrisson doté d’un carnet de santé dont les pages au bord rouille commencent par le calendrier vaccinal.
    Vous avez envoyé balader les médecins et leur incompétence depuis quelques années déjà. Mais vous n’êtes pas non plus dans les médecines alternatives, ce n’est pas votre culture familiale et les violentes déceptions causées par les tentatives maternelles désespérées entre acupuncture et gélules de poudre de moules et autre ginseng, vous ont amené dans une sorte de no-médecine land bien que vous avalassiez consciencieusement et sans question 40mg d’anti-inflammatoires et un protecteur gastrique chaque jour depuis des années.
    Mais vous avez la perle des pédiatres et, tranquillement, elle déroule le calendrier vaccinal de votre enfant. Avec votre conjoint vous estimez que votre famille est déjà suffisamment hors-normes et vous oscillez entre profil bas, craignant plus que de raisons les services sociaux, et cette insoumission de nature qui vous habite depuis toujours. On vous dit de vacciner, vous vaccinez. Parfois un peu en décalage, toujours avec la boule au ventre. Mais vous vaccinez.


    Puis un jour vous quittez la docile bourgeoisie nancéienne pour vous expatrier chez les insurgés mangeurs d’ail et d’huile d’olives. Ici c’est la campagne. Les gens sont durs à l’ouvrage, testards et centenaires ou vieux à soixante ans. Usés les maçons, claffis de cancers et de leucémies les agriculteurs. Le verger de la France est le fournisseur de la belle-mère de Blanche-Neige et les nains ouvriers y tombent comme des mouches.
     
    Ici rouler vite, mal et bourré est un sport régional, faites votre prière estrangers !
    Ici la loi elle escagasse !
    Ici une communauté belge de libres penseurs, entretient l’insoumission éclairée, la liberté de penser, le developpement d’un soi intérieur souverain, la bonne santé par l’assiette.
    Ici le tissu médical est de toutes les défaillances, incompétences et je m’en foutisme  mêlés.
    Ici vous devez être votre premier médecin sous peine de danger de mort à la moindre hospitalisation.
     
    Ici, comme partout ailleurs, vous devez faire un choix. Vaccin ou pas vaccin.
    Là vous vous réjouissez lâchement que vos enfants soient tous majeurs (dans 16 jours) et vous déposez délicatement la boule puante au creux de leurs mains jointes, pourvu qu’elle ne se casse.
    Vous êtes terriblement conscient de votre incroyable, effroyable et banale singularité. La société ne prévoit plus aucune case pour vous. Vous faites aléatoirement partie des inutiles, des cas sociaux, des fainéants échecs de la pensée crétins égoïstes mauvais citoyens chochottes d’antivax, végans  même si vous êtes juste végétarien, théoriciens du complot, casse-couille à temps complet, démon aux yeux de votre mère et cauchemar des statisticiens.
    Et pourtant vous existez, encore un peu.
     
    Encore un peu car quelques pensées de solution finale vous traversent l’esprit afin de mettre un terme au dilemme non de vous faire vacciner ou pas, mais de continuer à vivre dans ce monde-là.
    Alors vous les entendez déjà les professeurs de pensée, vous dire que vous exagérez , vous traiter d’enfant gâté, vous qui vivez de pensions sur le dos des honnêtes travailleurs qui, eux n’ont d’autre choix que de passer à la piqûre.
     
    Mais où est l’espoir ? Où est la lumière au bout du tunnel ?
     
    Sommes-nous condamnés à vivre dans ce monde de menteurs-manipulateurs, ce monde de violences et de défiances, ce monde abimé, divisé, opposé ? C’est donc cela que nous allons léguer à nos enfants ?
     
    J’entends gronder le tonnerre. Et j’ai mal.
    J’ai mal à mon humanité. Et j’ai mal à ma terre.
     
    Sans doute que je pense trop, ou mal.

  • In-dicible

    Partir méditer

    Être renversée par une voiture.

    Méditer.

    Seul le résultat compte.

    Dans la fulgurance de l'accident, la bouffée de colère évacuée dans une insulte, des pensées lumineuses explosent en moi, je suis en vie, ma conscience est bien présente, quelle chance j'ai eu, transcender ce contretemps sera essentiel. J'observe la panique de cette jeune fille, choisis immédiatement de rester calme, je suis de toutes façons un peu groggy par le choc à la tête et toujours ce sang qui coule, j'ai froid, j'ai si froid, de violents tremblements révèlent à chaque seconde des douleurs qui se précisent. Le pied, l'épaule et ce bras que je ne peux pas bouger, les hanches qui hurlent comme des sirènes. Il y a cet homme que je connais mais que je n'identifie pas, il parle au médecin régulateur, décrit mon état, me pose des questions tout en réclamant des couvertures aux personnes qui sont arrivées. Je plonge en observation de mon corps, prends garde de respirer le plus calmement possible pour apaiser les tremblements et éviter à tout prix de me contracter ce qui augmenterait excessivement la douleur liée au fait d'être couchée sur la route. Attendre. Que les pompiers arrivent. Lâcher prise, faire confiance à ceux qui sont là. Des visages connus se penchent sur moi. Mais Marie qu'est-ce qui se passe ? Je réponds que j'ai été percutée par une voiture. Je vois Michel, ou plutôt Jean-Michel, je suis à deux endroits à la fois, dans la profondeur de mon corps blessé et dans la gestion des faits de surface, je lui demande de s'occuper de mon fauteuil en sachant que cela implique que mes filles soient mises au courant de l'accident, je le supplie de les rassurer, puis je replonge dans l'inspection de mes blessures et commence le travail.

    Le travail ?

    Oui le travail. L'indicible travail de préparation aux gestes qui vont immanquablement arriver, mobilisation par les pompiers, transport, transfert aux urgences, transfert pour les radios et peut-être même les opérations car à ce moment là je me sens comme cassée en morceaux.

    Je me prépare à répondre aux interrogations des soignants qui seront perplexes devant mon anatomie, déstabilisés par la difficulté à "trouver une veine" ou une molécule que je tolère.

    Et je commence en parallèle le travail de guérison sur une pensée puissante "Ma petite cocotte tu as quinze minutes pour te réparer un maximum pour qu'en arrivant aux urgences ça soit le moins grave possible", je suis à ce moment emmaillotée dans le matelas coquille des pompiers.

    Je pourrais ne pas vous raconter cela, je ne vous demande pas de me croire ni de m'approuver. Je vous le dis dans cet esprit de partage qui anime "Les femmes en disent" depuis sa création.

    Depuis sept années que j'écris vous avez du sentir la profonde mutation que j'ai opérée dans la façon de me soigner et plus largement de vivre. Les rapports intimes entre mes pensées, mon âme et mon corps sont aujourd'hui plus conscients, plus harmonieux, accompagnés, guidés par quelques personnes que je pourrais qualifier de lumineuses si ce terme n'était pas galvaudé et terni par des vendeurs de chimères et des voleurs d'âmes.

    Souffle, circulation d'énergie, relaxation en pleine conscience, gratitude, confiance, croyance dans la métamorphose, tous les outils que j'ai pu croiser, comprendre, expérimenter, je les mets à cet instant au service de ma guérison. Je plonge profondément, à tel point que le pompier qui me surveille durant le trajet me rappelle à lui, hop hop hop, vous restez avec nous, me dit-il. Quelque part mon "mental" frappe déjà à la porte, pourquoi un tel accident en une si belle matinée, quel jour sommes-nous, encore en septembre. Je repousse les questionnements à plus tard me sentant déjà libérée de toute colère et dans l'acceptation d'un fait évident. C'est ainsi, j'ai été renversée par une voiture.

    Reste l'indicible invisible.

    Et le résultat.

    Il est 9h50 quand le véhicule entre dans le sas des urgences. Soixante cinq minutes se sont écoulées depuis l'impact.

     

  • In-visible

     Immergée dans la chaleur d'une couverture légère à l'aube d'un dimanche matin tout baigné d'un soleil joyeux bien qu'automnal. Été indien il parait. Un régal. La petite sonnerie du réveil voudrait me tirer du flottement des rêves, debout Margotte la marmotte, debout tu as prévu d'aller méditer avec Lama Samten revenu de Québec, il fait beau et les oiseaux pépient déjà avec ardeur. Quelle flemme susurre amusée la petite voix intérieure, je sais méditer, un peu, je peux méditer dans le fond de mon lit, noyée de lumière et du frôlement doux des lits du matin. Debout, debout chante le réveil, les oiseaux et l'envie de retrouver Lama Samten, Jason et Cécile et Marielle et tous ces beaux sourires. Me voilà fraîche et dispose, reposée, restaurée, habillée de soie orangée et de coton kaki, bisous, bisous mes filles adorées je reviendrai vers treize heures, nous mangerons ensemble, bonne matinée mes amours. Et me voilà partie, juchée sur mon carrosse, foulard de ma soeur en mode routard et sourire aux lèvres pour la petite route qui mène aux gîtes de Cécile. L'air est si doux, passer le carrefour, prendre à gauche pour rejoindre le petit marché ou tout droit par la grande rue ? Tout droit. Longer le muret de la maison qui fait l'angle, tiens le gros labrador n'y est pas. Vrombissement d'un moteur.

     

    Ma tête, le muret, le sol. Explosion de violence. Je suis couchée sur la route, des soubresauts secouent mon corps tout entier. J'ai mal. J'ai mal. Je tente de réunir mes pensées. J'ai mal. Je suis couchée sur la route. J'ai mal. Du sang coule de ma tête. Impact. Mais non. NON. Je réalise que je viens d'être percutée par une voiture. J'ai mal. Au secours, mes jambes, mes jambes. Le choc d'une violence inouïe, ma tête contre le muret. Cette voiture dont je ne vois plus que les roues et puis elle. Elle qui fait le tour de sa voiture infernale et qui se penche par dessus mon fauteuil, vide de moi, pour me regarder, couchée sur la route. "Mais quelle conne" hurle soudain toute ma colère, qui va s'occuper de mes enfants maintenant hurle la mère que je suis, mon fauteuil tout neuf pleure la personne handicapée qui sait tout le mal qu'elle a eu pour avoir ce fauteuil magique. Aidez-moi, mais aidez-moi hurle mon corps blessé, mettez-moi sur le dos, elle s'exécute et là je la regarde. Je vois une toute jeune fille dans une panique totale, elle ressemble à ma nièce Charlie, je ne vous ai pas vue, je ne vous ai pas vue à cause de la buée sur ma vitre, je ne vous ai pas vue, dit-elle en litanie. Elle veut appeler les secours, compose le 17. Dans ma tête je pleure que les pompiers c'est pas le 17. Puis un visage qui ne m'est pas inconnu se penche sur moi. Calmez-vous me propose t'il gentiment, sa voix me rassure, il est déjà au téléphone avec les pompiers, réclame des couvertures, je lui dis la route si dure, si froide, que j'ai mal à la tête, mon sang a coulé jusqu'au sol.

  • A la croisée des chemins

     

    Nature. Quel drôle d'été. D'année. J'enchaîne les épreuves physiques, des petites, des plus problématiques, toutes me contraignant à une certaine immobilité qui n'est pas dans ma nature. Alors j'use mes pensées au rabot de la réalité, d'une certaine réalité, utilisant les outils que la vie a mis sur ma route, éprouvant les connaissances passées et nouvelles au fer de l'expérience. Transcendant la période à toutes fins utiles.

    Je suis consciente et sereine, au-delà de certaines compréhensions qui se froissent ou dénigrent. Qu'importe, je suis hors de ces portées. Je chante sur une autre gamme, le tout étant de composer avec les voix enfantines si lucides et les voix fraternelles qui seules m'importent. Parfois encore quelques papillons s'affolent et leurs ailes perlées de larmes laissent deviner la profondeur des défis et des cieux. Et dans le regard de ceux qui m'aiment bat la mesure, pour que mon regard reste droit, franc et levé.

    Les choix ne m'ont jamais semblés aussi emprunts d'absolu, d'un profond besoin d'une conviction à l'épreuve de l'altérité. Exprimer clairement ma position quand l'affolement aurait pu me mener entre les mains des hommes en vert de façon tout à fait arbitraire et irréfléchie. Etre seule face à cette blessure atypique. Au-delà des possibles de la médecine occidentale. Jamais vu ça pour toute réponse.

    Rencontrer des esprits libres et libertaires.

    Préparer les vacances en famille, départ dans une semaine. Un matelas gonflable et un cerf-volant. Des draps de plage tous neufs aux couleurs acidulées, achetés sur ce nouveau marché du village qui me régale le samedi matin.

    Avancer au coeur de cet été mystérieux. A la patte d'oie prendre une des voies.

     

  • Projet de vie, 5 ans plus tard ...

    Et voilà qu'est venu le temps du renouvellement de ma PCH,

    Projet de vie sur 5 ans me fallait-il écrire.

    Un petit tour sur le projet de vie d'il y a 5 ans, pour constater que si on m'avait dit en ce temps que : ma boîte coulerait, que j'embarquerais dans le grand navire Handicap.fr, que je vivrais les montagnes Tibetaine du couple pour finir dans la fosse des Marie-âne ou mari-âne ça dépend encore des jours, que je ferais la montée de l'Everest sac d'os et roues libres mais rouillées, enrouées avant ou afin de réapprendre à respirer, que ma route serait ponctuée, d'orages, avec ou sans haine, d'orange, de neiges éternelles, c'est beau mais c'est haut, de livres qui élèvent pour moins peser et de choix qui pèsent pour ne pas s'envoler trop vite, trop loin, trop mal. Ah mal, se faire la malle plus que le mal ou le mâle d'ailleurs, qui aujourd'hui ne prend plus guère de place dans ce nouveau projet, faut dire que l'histoire qui précède a consommé pas mal de ressources, un peu comme l'humanité sur la planète. Argh (oui ça faisait longtemps) voilà que je m'égare à l'heure de se projeter, genre moi je sais trop de quoi ma vie sera faite pour les cinq ans à venir ... alors que si j'avais su, je l'aurais cru ou cuite, c'est selon :)

    Je vous livre donc ma prose, moins grandiloquente que le précédent, plus humble peut-être, plus tranquille il me semble.

     

    Bah, vous lirez bien entre ou dans mes lignes une petite participation militante de temps en temps, on évolue on ne se refait pas :)

     

    Projet de vie 44 à 49 ans

    J’ai maintenant 44 ans, atteinte de polyarthrite depuis l’âge de 10 ans, je me déplace en fauteuil roulant électrique depuis 24 ans. Je suis mère de quatre enfants que j’élève seule depuis bientôt 3 ans. Mes quatre filles sont aujourd’hui âgées de 19, 16, 14 et 9 ans.

    Après avoir exercé ma profession de chef de projet le plus longtemps que mon état de santé me le permettait je suis maintenant en invalidité au titre de la sécurité sociale. Après avoir conduit le plus longtemps qu’il m’était possible de le faire je ne peux plus aujourd’hui conduire plus de quelques kilomètres. Les déformations de mes pieds s’étant compliquées par l’apparition d’escarres je suis parfois obligée de rester nu-pieds plusieurs semaines, tout en restant de ce fait au repos, à la maison.

    Pour autant je suis toujours mère de quatre enfants. Mon projet de vie reste d’exercer mon rôle de mère dans les meilleures conditions possible d’autonomie et de confort (j’entends par confort le fait de pouvoir prendre soin de moi en ayant accès aux soins que mon état nécessite pour vivre au quotidien avec un niveau de douleur tolérable). Je souhaite également pouvoir exercer au mieux ma mission de présidente de l’association Handi-Provence, association située à Pertuis. J’ai par ailleurs été sollicitée par une des équipes en lice pour les prochaines élections municipales.

    Les heures d’aides humaines telles qu’elles sont définies à ce jour dans le plan d’aide personnalisé me conviennent parfaitement. Je souhaite donc qu’il soit renouvelé à l’identique.

    Mon besoin complémentaire primordial concerne mes déplacements. Ma commune ne dispose d’aucun transport à la demande et l’offre de transport en commun est plus qu’insuffisante et souvent inadaptée.  Je souhaite aujourd’hui acquérir une voiture adaptée pour le transport, véhicule qui sera conduit par les auxiliaires de vie. Il me paraît important dans l’attente de ce véhicule de prendre en compte des besoins de transports spécifiques donc des surcoûts liés à ces transports.

    Je souhaiterai également acquérir un lève-personne de piscine afin que je puisse bénéficier des bienfaits de l’eau.

    Je consacre aujourd’hui une partie de mon budget à des soins palliatifs, hypnose, shiatsu, massages, huiles essentielles qui me permettent d’améliorer mon quotidien en maintenant la douleur sous un certain seuil de tolérance. Ces soins non pris en compte par la sécurité sociale, me permettent de ne pas consommer d’antalgiques telle la morphine, antalgiques onéreux et lourds de conséquences en terme de responsabilité. Je souhaiterais savoir si de telles dépenses pouvaient être prises en compte dans le plan de compensation globale ?

    Je ne souhaite pas, pour le moment, bénéficier d’une assistance sexuelle.

    Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui contribuent à la prise en compte des personnes handicapées dans le département et qui œuvrent pour notre bien-vivre.

    A titre personnel je tiens à vous informer que les travaux réalisés à mon domicile (cuisine, salle de bain) et les interventions des auxiliaires de vie, me facilitent la vie tous les jours et me permettent d’être présente pour mes filles, investie socialement dans ma commune et mon département. Je vous en remercie chaleureusement. 

  • Libre. Et Debout


     

    Debout. Les bras légèrement levés, paumes et visage tournés vers le ciel. Je pivote lentement sur moi-même. Encore et encore.

    Lente spirale dont je suis le centre. Là où tout semble immobile. J'observe l'agitation extérieure. Je regarde s'éloigner les menaces, les insultes, les ordres contraires, les sarcasmes. J'ai lâché les entraves une à une. Lâché les images plaquées sur cette autre que certains ne veulent pas connaître. Doux renoncement qui m'apaise et allume à mes yeux un sourire de joie. Je goûte avec délectation l'impermanence de ces instants de merveille. Reliée à l'essentiel par un fil de lumière, être là, simplement. Libre.

     

    Ce soir je chanterai pour les enfants et la semaine prochaine je lirai deux textes pour la nuit du conte. En juillet nous irons à la mer une semaine et à la fin du mois d'août nous goûterons les embruns de l'océan. Peut-être.

    Je ne peux plus conduire. Les fantastics passeront leur permis l'an prochain et nous achèterons une voiture adaptée pour le transport.

    Je continue sur la voie de la méditation et du shiatsu.

    Je ne prends plus d'antalgiques.

    Je suis.

    Libre. Et debout.

  • Hurler

    Pour que la chair se taise enfin. Après un temps de repli, d'auto-réconfort, de répit, de réparation, j'ai voulu retourner vers le monde, en janvier j'ai pris la présidence d'une association de personnes handicapées, l'association fondée par ma chère Marie-José puis présidée par un tiers après le décès de Ma-Jo.

    Ce projet semblait coller parfaitement à mes aspirations : m'investir encore dans le milieu du handicap, gérer mon temps et mon énergie, être sur le terrain et rencontrer des personnes en chair et en os, me sentir utile pour ma communauté.

    Ah oui, mais ça c'était sans compter sur les bâtons.

    Les bâtons vous savez, ceux qu'on nous met dans les roues dès qu'on veut bouger le petit doigt. Dans mon cas l'image prend tout son sens non ?

    Je cite dans le désordre l'inaccessibilité des transports, des lieux, des gens, les cons, je me trompe où une grave épidémie sévit ces dermiers mois ? L'exclusion sous forme de "dans votre cas ça ne vaut pas le coup" (de soigner votre hanche, vos dents, de mettre des formes pour vous parler, de vous placer au théâtre là où vous allez voir plus d'un quart de la scène)

    Wahou !! En quelques semaines de retour parmi les "valides du dehors" j'ai une grosse envie de hurler STOP !

    J'en ai assez. Des incompétences et des mauvaises volontés cachées sous les formulaires.

    J'en ai assez, par exemple, des prestataires de service à la personne qui se la jouent "Nous, notre label, nos formations" à l'image d'Handéo . 

    Qu'ils viennent chez moi me poser des questions autres que la stupide étude de satisfaction qu'on nous soumet et qu'on nous ressort sous forme de statistiques en bas de facture : 60 % des pigeons assistés baillonnés bénéficiaires se disent satisfaits du service rendu. Et les 40 % d'insatisfaits ?

    Vous savez ce que ça veut dire "insatisfait" quand on parle d'aide humaine ?

    Je vais vous le dire moi, ça veut dire être mal traitée, rabaissée, infantilisée, négligée, abusée, mal à l'aise, mal fagottée, mal lavée, mal nourrie, mal entendue et d'autres mots tellement plus puissants que 60 % de satisfaits.

    Et pendant que certains se targent d'être des spécialistes, d'autres souffrent en silence de ce qui, je le prédis, est le scandale humain à venir.

    Les prestataires de service à la personne exploitent des misères, celles de la dépendance corrompue, je parle bien ici de vieillesse et de handicap, pas de ceux qui s'offrent des services comme en d'autres temps qui son majordome ou sa bonne. Je parle de l'obligation, pour survivre, de faire appel à un tiers.

    Le marché de la dépendance, l'or blanc, il suffit d'une pyramide des âges pour faire saliver un consultant de chez Ernst & Young.  Mais aujourd'hui la dépendance n'est rentable qu'à un seul prix : celui de la médiocrité, du nivellement par le bas des compétences et de la notion de service rendu. Le prix de l'exploitation de la misère de celles qui font ce métier, femmes seules ou élevant seules leurs enfants, femmes sans formation donc sans emploi qualifié, femme ayant arrêté de travailler pour élever leurs enfants et qui reviennent vers l'emploi par la porte de service. Non le monde n'est pas celui des bisounours qui font ça parce qu'ils ont la vocation, réveillez-vous ! Arrêtez de nous imprimer sur papier glacé des plaquettes vantant les diplômes des auxiliaires, vos engagements de remplacement dans les 2 heures en cas d'absence, vos engagements de disponibilité des cadres dirigeant. Car ces engagements ne sont que blabla marketteux et dégoulinants d'intentions que vous n'avez pas. Aujourd'hui un seul mot d'ordre "faire du fric". 

    Bien sûr que certains parviennent à conjuguer qualité et activité économique équilibrée, mais combien sont-ils ?

    J'en ai assez aussi des médecins qui ne savent plus soigner et des podo-orthésistes qui trouvent ça dur de faire des chaussures.

    Assez, assez, assez !

    Alors j'ai pris la parole. Je me suis exprimée comme jamais jusque là.

    Ah, ça en a surpris quelques-uns et ce n'est pas fini je vous le garantis.

    Et je sens bien qu'il est un sujet actuel sur lequel je pourrais donner mon avis, lié d'une certaine manière à l'aide humaine : l'assistance sexuelle.

     C'est à mon sens un sujet d'une telle complexité qu'un petit article ne pourra donner qu'un minuscule aperçu de ma pensée.

    Réducteur. Est un de premiers mots qui me vient en tête à la lecture des articles qui pululent sur le sujet. Oups première métaphore peu glorieuse, tant pis je laisse mes mots couler.

    Où il est question de droit. Légiférer l'acte d'amour. Voilà le défi lancé par ceux qui réclament à corps et à cris le droit à une assistance sexuelle. Cadrer, borner, limiter, la transcendance sexuelle.

    Non ce n'est pas de ça dont nous parlons ? Vraiment ? Nous parlons de quoi alors, d'assouvir un besoin comme on vide un trop plein de yang d'urine dans la vessie aussi jouissif que cela puisse être quand vous attendez l'auxiliaire depuis quelques heures ...

    J'ai connu 20 ans de symphonies, l'imbrication parfaite des corps qui se connaissent par coeur, la composition harmonique des souffles, chaque jour réinventée même si répétée des milliers de fois par deux artistes musiciens de l'orchestre matrimonial, à l'hôtel des amours profondes. 

    Faire appel à un assistant sexuel me donnerait l'impression de prendre une leçon de solfège, d'annoner les notes de la lettre à Elise quand j'ai dialogué si souvent avec le chant de l'univers.

    Et c'est bien cela qu'on envisage de proposer non ? Un temps de soulagement du bout du gant aseptisé ?

    Et l'extase ? Pourrons-nous jamais légiférer l'extase ? Grand Dieu non !

    Je pense que le débat en mélangeant les sujets a desservi la cause. On ne peut parler d'assistance sexuelle, pas plus qu'on ne devrait parler de handicap ou de blondes à forte poitrine.

    Il est à mon sens question de liberté. Liberté de demander, liberté de proposer. Il ne s'agit pas d'obtenir un droit mais de renoncer à des interdits. Comme dans l'acte d'amour, quand la caresse invite et que le mental s'abandonne au plaisir. An nom de quoi interdirions-nous à une personne, qui le souhaite, d'offrir de son temps et de sa personne ? Au nom de quoi priverions-nous une personne, qui en exprime l'envie, de recevoir la communion des corps ?

    Mais en fait qui a dit que c'était interdit ? Il me semble que de nos jours bien libres sont ceux qui souhaitent se coucher dans le même lit ou sur la banquette arrière non ? ne partagent-ils pas en plus de quelques fluides magiques, leurs numéros de téléphones, un dîner au restaurant, une chambre d'hôtel, un loyer, un compte en banque ? Ne serions-nous pas tous des assistants sexuels à nos heures ?

    Vision réductrice n'est-ce pas sous ses allures trompeuses de grandeur d'esprit.

    Le commerce. C'est là que le bât blesse. le commerce ce tentateur. Celui qui donnerait le pouvoir d'acheter et de vendre des temps de corps. Celui-là même qui conduit les esclaves auxiliaires chez des bénéficiaires contraints, sous le joug et le fouet du dieu business. Et voilà que Légifer est de retour avec son cortége de conditions contractuelles. Bienvenue aux enfers quand vous vouliez le paradis.

    Il ne s'agit pas d'autoriser, sous prétexte de détenir l'utopique pouvoir d'interdire, mais de protéger dans la conscience du couple fragilité/responsabilité. Sacrifier le débat sur l'autel de la prostitution c'est condamner des milliers de personnes à la souffrance du manque, aux risques de la prise de pouvoir, de  l'incompétence, de la manipulation mentale. La sentence est la privation de liberté, chef d'accusation la dépendance. Puisque tu n'es pas libre de tes mouvements tu es condamné à la cage aux lions. Allez bonne chance l'ami !

    A mon sens le sujet du débat manque de clarté : de qui parle t'on ? Qui seraient les bénéficiaires ? Je me suis beaucoup posé cette question. Mon avis est, en priorité, ceux qui le souhaitent ET qui n'ont pas accés à la masturbation directe, c'est à dire sans objet intermédiaire. Ce contact corps à corps qui me paraît irremplaçable. A mon sens celà ramène la responsabilité collective de protection et d'accompagnement à un nombre de personnes et de situations plus facile à définir et certainement plus en corrélation avec l'offre d'accompagnement actuelle ! Répondons déjà à cette urgence, ensuite le reste viendra !

    Quant au contenu des sessions ... libérons, libérons ... y mettre du coeur, de l'esprit, des phantasmes et des sentiments ? Qui celà devrait-il regarder ? Quitte à donner, autant offrir Saint Saëns plutôt que Sinclair non ?

  • Du sommet de l'iceberg

    Je vous écris du sommet de l'iceberg. Depuis quelques jours j'ai gravi les pentes vertigineuses d'un Everest que personne n'envie. Une simple rage de dent. Que voulez vous, à force de les serrer, les pauvrettes cédent sous la pression. Trop de non-dits mâchonnés des heures durant comme un vieux chewing-gum qui a perdu son sourire Hollywood sous l'effort.

    Les heures défilent droguées, saoules et trop longues. Envolé le bel entrain des jours derniers, remisés les projets. A l'arrêt. Aussi rageant que brutal.

    Réflechis ! Où cours-tu ainsi ? Ton emploi du temps à peine allégé que te voilà en remplissage forcené.

    Stop !

    Tu avais dit "je vais prendre un peu de temps pour m'occuper de moi" et tu t'éparpilles en morceaux de toi.

    Stop ! La leçon est la suivante : une fois de plus il va falloir lâcher du lest. L'épreuve est trop dure dans ces conditions que la moindre rage de dents te mette au sol. Ce n'est pas que tu ne supportes plus la moindre douleur, c'est que le seuil de tolérance est déjà atteint chaque jour, que tu ne supportes, rien de plus ...

    Pour continuer à avancer il va falloir s'attaquer à ce roc de douleur qui hante mes nuits et fait pâlir mes jours. Grimper je ne puis plus. Alors, alors, reprenant le chemin, je vais creuser. Mais pas vers le fond non ! Je vais creuser un tunnel, un tunnel dans l'iceberg. Je m'en vais lui faire un pied de nez à cette montagne, puisque le sommet m'échappe je vais passer dedans, au-travers, au coeur de la douleur, la faire s'effondrer sur elle-même avant qu'elle ne m'effondre ... mes outils seront massage, relaxation, hypnose, chant et ... repos. Un flot doux comme une onde libre, un flux qui saura s'infiltrer dans les interstices, dans le vide médian, pour creuser des sillons, des galeries de lumière, des grottes ornées de dessins ancêstraux. J'irai boire à la source et qui sait, en chemin quelque trésor oublié, butin précieux amassé au fil des temps anciens, en d'autres vies, d'autres chemins de douleur.