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Second degré

  • Mon amie la rose

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    On est si peu de choses et mon amie la rose est morte ce matin.

    Je ne voudrais pas que l'écrit d'hier puisse être le dernier. Il a des accents rageurs alors qu'en fait je ne suis plus dans ces reproches depuis longtemps.

    Ce qui a changé ces derniers temps c'est ma capacité à regarder les situations en face sans émotions perturbatrices et cela me permet de me poser de nouvelles questions pour aller plus loin.

    Bien sûr si un dialogue ouvert avec les protagonistes était possible cela faciliterait la compréhension des événements mais depuis toujours le dialogue vrai est impossible.

    Il ne reste que les traces et l'imaginaire du pire.

    Car oui je pense que souvent ce que l'on imagine est pire que la réalité.

    C'est qu'il en faut peu pour traumatiser un enfant.

    Quelques mots. Un geste.

    Puis le travail de mémoire vient creuser les sillons. L'esprit est comme pris au piège dans le labyrinthe et le Minotaure caché dans le plus obscur repli nous terrifie. Nous arpentons encore et encore les couloirs sombres de nos traumatismes à en user le pavé et la semelle de nos godillots. Si le traumatisme primal nous est inconnu ou inaccessible, nous nous heurtons aux murs à chaque changement de direction et le Minotaure reste un monstre chimérique. C'est peut-être que ce n'est pas la direction qu'il faille changer mais notre état d'esprit.

    Alors vient le temps des stratégies.

    Nous allons négocier avec le traumatisme.

    La plus simple des stratégies est le déni mais c'est aussi la plus dangereuse car vous allez nourrir le Minotaure avec l'énergie surpuissante de l'inconscient. Choisir le déni c'est marcher à reculons, les yeux bandés et prendre le risque de tomber dans un puits sombre et profond, peuplé de créatures démoniaques. Auriez-vous un jour le courage d'y descendre volontairement ? J'en doute. Mais un traumatisme nouveau même minime peut à tout moment en ouvrir la trappe sous vos pieds.

    Si votre déni vous a doté d'ailes de cire et de plumes vous pourriez être tentés, tels des Icare de télé-réalité de chanter « je vais bien tout va bien » vous condamnant ainsi à battre des ailes et brasser du vent sans cesse car c'est alors tout le sol du labyrinthe qui serait l'entrée du puits vous interdisant le repos ; et monter plus haut assurerait la chute.

    Avancer vaille que vaille sans jamais se retourner c'est ignorer qu'un élastique de longueur variable vous relie au Minotaure et que plus vous allez avancer et plus cet élastique va se tendre et pour amoindrir votre effort vous allez prendre des virages de plus en plus souvent, croyant faire face a des vents contraires. Mais, comme tout système dynamique, cette avancée à marche forcée aura des limites, vous condamnant au mieux à un surplace laborieux chahuté de vents changeants et au pire à un renvoi brutal aux origines de votre traumatisme écrabouillé, vous éclaboussé d'une bouillie sanglante de Minotaure devenu incompréhensible.

    Après le déni vient la stratégie de la conscience passive, la tétanie prudente. Je sais qu'un monstre est là quelque part. Je le sais je vois son ombre au mur de ma caverne refuge qui n'est en fait qu'un carrefour saisissant. Cette ombre se mêle à la vôtre à chaque mouvement. Mais que va-t-il se passer au déclin du jour ? L'ombre projetée va grandir, grandir jusqu'à vous engloutir, tout entier.

    Alors quoi ?

    La guérison est un plan complexe qui se déroule par étape.

    L'urgence consiste à se mettre à distance de sécurité du trauma ; pas trop loin afin d'en avoir une image précise ; assez loin afin qu'il ne puisse pas aggraver la blessure.

    Ensuite faire péter le plafond du labyrinthe, laisser l'alternance des jours et des nuits nous donner la cadence.

    Chaque jour œuvrer, contempler, observer chaque encoignure, les inscrire en conscience.

    Sentir les pierres solides sous les pieds, prendre conscience de ses capacités actuelles faire un état des lieux et commencer à imaginer quelle sorte de lame pourrait vous être utile, qu'elle sorte de l'âme.

    Vous nourrir de connaissances et de travail bien réalisé. Vous préparer à affronter le monstre.

    Durant les nuits, se souvenir des jours chauds et lumineux. Palper vos armes nouvelles, cultiver votre réassurance. Bercer l'enfant de souffrance pour apaiser ses douleurs et ses craintes. Lui dire qu'à chaque nouvelle acquisition vous devenez plus habile, plus fort.

    Un matin se mettre debout. Être grand. Décider qu'il est temps.

    Alors ce jour vous saurez que vous êtes à l'exacte bonne distance du Minotaure.

    Trois choix vous seront alors offerts. 

    Si le traumatisme est ancien, devenu énorme, nourri de déni, lourd de conséquences douloureuses, alors de votre lame la plus puissante vous devrez « lui faire la peau ». Avec amour. Amour pour vous. Et au soir tombant, informer l'enfant de la mise à mort ou de la condamnation à vie, officielle et juste de son bourreau. Toucher le Minotaure de la pointe acérée du glaive de la justice c'est rendre possible sa transformation en un pilier de marbre et de pouvoir s'élever dessus.

    Mais peut-être que le traumatisme est secondaire ou de moindre envergure, pas si effrayant que ça finalement et que vous voudrez juste vous en libérer.

    Alors, parce que l'élastique aura la tension idéale, vous couperez une à une chaque fibre qui vous relie à lui et à la dernière section chaque demi-brin tombera mollement au sol, sans vous blesser, sans réveiller le Minotaure endormi. Vous lui direz au revoir et merci et vous poursuivrez votre quête d'un plus loin, l'enfant soulagé perché sur vos épaules.

    Si l'enfant pense que le trauma compte pour lui alors, en gardant arme au côté et idéale  distance, vous emmènerez avec vous le Minotaure domestiqué. Avec vous, comme en laisse, ce choix vous demandant une vigilance de chaque instant.

    Et si malgré vous l'affrontement a lieu lors d'une nuit froide et sombre, souvenez-vous des jours lumineux et soyez la lumière car vous n'êtes pas vos traumatismes. Tenez-le à distance vaillamment avec vos armes anciennes. Ce n'est pas le moment d'allumer la forge aux flammes dansantes, mères de géants agités. 

    Rassurer l'enfant effrayé et rappelez-vous que l'autre nom du Minotaure est Astérion « petite étoile » et promettez lui qu'un jour, vous apprendrez auprès des anciens comment faire la bonne lame et que vous en ferez une.

    Au matin suivant, faites-le.

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  • Le roi invisible, les tulipes et les rats musqués

    Sur une terre singulière de nature multiple,

    un jeune roi invisible cultivait des tulipes.

    Au plus que prolifèrent ses vastes champs fleuris,

    le jeune roi couronné sans un bruit légifère.

    Ploient les têtes sous l’averse toutes remplies bien trop lourdes

    et si quelques ne se courbent, la plupart se dressent.

    Le roi neuf ébahi n’en peut plus de compter,

    les corolles, les bouquets tous faisant son succès.

    De partout il ressème, les rues en sont masquées,

    sans peine, sans haine, nul ne peut l’arrêter

    Si pour grande partie rats musqués obtempèrent

    voilà que certains hommes sont ici têtes en l’air.

    Ils oublient de marcher, souvenir des colchiques

    des printemps du passé, paysages bucoliques

    A chacun son bouquet, son remède à son choix

    Tout le long des chemins, vivant d’impunité, bons droits.

    Et si les rats musqués en convois réunis

    D’échanger leurs cultures sont bien sûr interdits.

    Les voilà qui s’attablent à trois pairs six coudes

    De ce roi invisible s’attachent à en découdre

    Qui est donc pour chacun ce vil envahisseur,

    Règne à germe virulent, amazonien vendeur ?

    Amis imaginaires au nom desquels on tue,

    Les multiples, les vertus et toutes diversités ?

    Si pour vos têtes redressées vous craignez la tondeuse

    Sachez que couronnés ne tondent pas dans les bois

    Soyez mus, gais, sauvages et pourquoi pas des chênes

    Et pour ceux qui le veulent et peuplent bien les villes

    Iris bleus, blanches roses, volubiles potentilles

    Par dessus les œillets et toutes les tulipes,

    Soyez vous, soyez fous, semez à fin heureuse

    La santé démuselée fera fi de la haine

    Alors les rats musqués iront de bon aloi

    Et les rois invisibles n’y feront plus leurs lois.

     

    WML

  • Les notes du cahier d'hiver

    Parce que je suis entrée dans le livre de Jung et que je n'en suis plus sortie, pour mon ravissement.

    Sur le blog :

    Abandon n’est pas temps de ma conjugaison

    Mes opinions sans jugement visent  les horizons

    Milles autres vents, sans Panthéon jasé dans les salons

    Juste une histoire de Pan, de direction

    De légendes, de sang et de vision

    Des taire d’avant savoir dissolution

    Douter sûrement à chaque décision

    Peser le chant des manifestations

    D’éther devant est la transformation

    De rien, d’enfants, de Tout et de Patron

    Si humble étant, que victoire est pardon

    Des rêvées terres levant consécration

     

    Et dans le cahier :

    Dix ans ont passé. Je dis dix ans car je compte les trois années de longue déchirure, puis ces sept années à courber l'échine, au propre comme au figuré, ployant sous la charge et la tristesse. J’ai, il me semble, tenu le cap, bon an, mal an. Aujourd’hui j’observe ces années en me disant que c’était difficile et que j’aspire à plus de légèreté, un peu. Pas de la légèreté factice ou artificielle, pas d’embrumement. Non. J’aspire à une conscience claire et forte, ne plus gâcher une seconde. Qu'ai-je fait de ces 10 années ? Bien sûr il y a ce corps, mon corps, si présent dans ses impossibilités. Il est difficile d’accepter que les tâches autonomes se résument à dormir et écrire, quand mon âme aspire au voyage et aux Autres. Alors oui, le voyage chamanique m’a ouvert des voies aux possibilités infinies. Mais je suis un être incarné et j’ai aussi envie d’exister par des actes. De la création. Écrire, me direz-vous, est un acte de création, surtout quand, comme à cette heure, je n’entends plus que le petit frottement de la pointe du feutre sur le cahier.

    Qu’est-ce que vivre ?
    Être devrait suffire.
    Être, respirer, trouver de quoi boire et manger et dormir dans un endroit sécurisé.
    Et recommencer jour après jour.
    Et à quoi cela sert-il ?
    Cela ne sert à rien.
    Peut-être parce que ça n’a aucune sorte d’obligation de servir à quelque chose. Ça est. Je suis. Et c’est ainsi.
    Je m’inscris dans une branche, quelque part entre cosmogonie et deux siècles. Quelle incroyable fatuité !
    Et pourtant je sais le miracle. L’immense improbabilité d’être. La mort impérieuse et la fragilité de chaque seconde
    Je m’émerveille, tout en sachant l’infiniment petit de mon émerveillement. Alors que faire ? Si tout est vain, voué au néant? Non qu’il s’agisse de désespoir, bien au contraire. Juste une conscience que tant de choses m’intéressent que je n’ai su choisir aucune pleinement et me retrouve les poches pleines de trésors qui ne valent pas un clou car trop peu approfondis ? J’ai parfois l’impression d’être une passoire, les savoirs me traversent, j’aime plus comprendre que retenir je crois.
    Des mises en lumière successives ont levé les zones d’ombre. Je flotte dans cette douce blancheur ou rien ne compte ou rien ne passe, ni ne se passe. J’aime mes enfants oui bien sûr, profondément, mais cet amour n’a pas de temps et occupe tout l’espace, il est. Faudrait-il des preuves, des démonstrations ? Car, oui, les enfants ont besoin de vêtements, de diplômes, d'écrire leur histoire. C’est ainsi.
    Moi aussi je suis un enfant, un petit d’humain.

     

    Puis sur le blog :

    http://www.lesfemmesendisent.fr/archive/2018/02/22/eau-vive-6028772.html

    Et ce texte, reflet de vie, écho à l'aventure de Manu et Martin autour du monde, que mon âme accompagne sur les océans :

    http://www.lesfemmesendisent.fr/archive/2018/02/25/l-ame-de-fond-6029507.html

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  • L'âme de fond

    Il y aura l’eau, le départ, le feu au ventre, un brasier de peur et d’envie, le souffle coupé, l’eau, le miroir tendu inexorablement. L’aventure commencera.

    Vaporeuse est la brume qui m’entoure, je suis couché au fond d’une barque, recroquevillé. Le clapotis oscille de la menace à la rassurance et mon âme est prompte à basculer de l’une à l’autre.

    Je me souviens de vieux brouillards en des jeunes temps, ils n’étaient alors que brumes de lait assorties de quelques voiles de coton et de soie, enfance mal dégrossie piégée entre le temps des autres et quelques anciens silences. Il y avait eu aussi les champs de tempêtes quand les noirs nuages des colères rentrées avaient crevé le ciel peint en force bleu. Puis les eaux rage et les eaux de cœur en nappes de pique, niqués les décors, bafoués les serments, sales errements aux yeux crevés, il n’y a pas plus aveugle que les corps amoureux-fous des dits-eux. Triple sot. Ôte donc le foulard qui te bande tous les orifices, piétiné le frêle esquif par des troupeaux de moutons ou de porcs, regarde donc où te mènent tes yeux qui ne savent ou ne veulent voir. Les éclaircies, ces éclairs-là.  Châteaux de brumes inférieures  en laisses et en pagnes, primitives survivances, lucidité amère, océans acides. Survivante des camps partisans et des batailles passées à la chaux vive des souvenirs tenaces. Bien sûr, il y avait le soleil en tenailles entre deux guerres, les affrontements de bonheurs volés, tout  enrobés de paille et d’allumettes, les embrasements calcinant  les jeux de mains, la foudre au cœur, les hier chantants renversant les lendemains qui pleurent, conchier sa propre peine et les repos forcés et puis la rage. La rage.

    La rage de vivre vissée dedans, profond, transpercée entre-deux bords, c’est par là que sourde la lumière, tu le sais bien. Tu l’as déjà vue dans tes enterrements de face, quand tu avais creusé si profondément pensant enfouir tes douleurs de vivre en fuyant les incendies dans les voiles, six pieds sous ta mer, perdus  plus bas que les abysses méandreux d’un cerveau construit en bûcher, ils auraient dû te prénommer Jeanne. Et tu regardes médusée cette lueur falote, fanal primordial  au reflet céladon, pourvu qu’elle soit d’un phare bâti sur un rivage espéré malgré tout.

    D’où naissent les remous ? Des espérances dures en lames de front, heurtant les plages marmoréennes des certitudes gravées trop tôt, Etretat suicidaire de tendre enfance. Il faudrait trouver le sable en soi, le grain minuscule, le transpercer, elle serait là. Elle est là.

    Tu flottes. Migrant sans ailleurs. Tu as incendié tous les soleils couchants faisant lever la brume ultime, l’essence du conflit qui te déchire l’âme en copeaux, remplissant ton embarcation schizophrène de larmes sèches, râpe tes derniers bords aux parapets.

    Vivre-mourir.

    Et s’il y avait un pont ?

    Une fosse commune pour y couler les fondations de ton arche.

    Radeau planétaire lève ton encre des trous noirs, écolier naufragé libre d’écrire, sous ta plume qui tremble, toutes les fins.    

  • Chronos

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    Il y a l’eau, le soir naissant, l’eau, les rides irisées, l’eau, le soleil de jeune nuit, l’eau, le vent caresse et le piano bateau qui semble aussi léger qu’une éphémère. C’est sauvagement beau, farouchement poétique, ça vous saisit le cœur à plein regard.
    Il y a la rive, peuplée d’une cohorte joyeuse, hétéroclite, les maillots de bains chips côtoient le brunch chic du couple tout de blanc vêtu, venu de Lourmarin et « seulement pour le piano », les familles qui repoussent un peu la fin de ce week-end de fête des mères par cet impromptu aqua-musical. C’est surprenant, communiant, rassemblement improbable, ça vous unit l’âme en pleine humanité.
    Puis les premières notes qui répondent à la promesse. Sur la rive le silence conquis, sur l’eau la résonnance cristalline, enchanteresse, sur la rive le même frisson qui nous relie les uns avec les autres, ensemble dans le partage, reconnaissants.
    C’est un moment d’humanité. Un magnifique et doux morceau de temps gravé à jamais sur la courbe de chronos.
    Le violoncelle sur le ponton chante maintenant avec le piano.
    Apparaît un Pégase flottant, portant une autre fée de la musique, qui braille. Un interlude loufoque pourquoi pas, nous sommes bien venus pour un piano sur l’eau alors une sirène palmée chevauchant baudruche aux ailes d’or ne devrait pas nous étonner. Elle prend place au piano, le tulle de sa robe enchevêtré dans les palmes comme des algues. Et, massacrant chant et musique bien que faisant la démonstration d’une belle capacité vocale, déclame quelques vers qui se veulent décalés comiques. Certains le sont comiques, voire déjantés voire complètement barrés voire trop. Presque. Le violoncelle détache ses amarres il ne flotte pas tout à fait et l’instrument prend l’eau. Les regards s’interrogent, espérant que ça ne dure pas mais l’interlude prend de vilains airs de seconde partie, le ton devient vulgaire. Le violoncelle est maintenant couché dans l’eau, le tuba fini noyé dans un couac gargouillant. Le couple tout de blanc vêtu quitte démonstrativement la rive pour regagner la hauteur qui surplombe la scène.
    Après quelques trop longs morceaux la première musicienne est revenue au piano, l’envie inassouvie est toujours là bien que projetée dans un abysse de questions, pourquoi ? Aurions-nous dû nous en douter ? Serions-nous venus ? Est-ce bien ou mal ? Elle joue quelques notes pansements. L’autre fille éponge la queue du piano sur laquelle elle dégouline. Le piano radeau de la méduse dérive.
    En sommes-nous réellement là ? Sommes-nous capables de nous réunir pour assister impuissants au naufrage de l’art et d’instruments si précieux sous les yeux de quelques-uns qui auront sacrifié quelques deniers ou énergies pour offrir aux enfants un moment non-ordinaire ? Ou justement l’Art est venu nous demander si nous allions sombrer avec le navire ?
    Nous sommes comme des réfugiés sur cette rive, survivants d’un monde qui sombre en lui-même, venus chercher un souffle d’espoir en cet ailleurs si proche et qui, finalement, nous aura bousculés éhontément, refoulés dans ce que nous portons de médiocre, vulgaire amas de chair avide de poésie foutraque.
    Je me surprends à penser "on est foutus" avec dans le rôle de "on" l'humanité, une sorte de révérence irrévérencieuse, un crépuscule grandiose et grotesque, un aveu de potentiel gâché consciemment.
    Le piano sur l’eau a tenu sa promesse, un peu, et tout le contraire.
    Ce soir le piano sur l’eau était un homme.
    Comme si nous ne méritions pas la splendeur.

  • Les seins de mère nature

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    Dans ce calme matin un vrombissement aussi puissant que soudain me fait lever les yeux. L'air vibre !

    Premier réflexe : fuir ! Et mettre à l'abri animaux et enfants ! C'est que je n'y connais rien en abeilles, la première image de ma mythologie et celle de nos pauvres héros de dessin animé, poursuivi par un nuage compact d'insectes furieux, contraint de plonger dans la mare et de respirer à l'aide d'une paille !

    Passé ce moment fugace d'un comique bien que légitime protectionnisme, nous voilà à l'affût dans notre grotte, observant fascinées l'envahisseur ailé. Les voisins alertés j'en appelle au vieux sage, l'happy-culteur zélé sous sa cape comme en cage. Il me dit aucun risque, les voilà en voyage, installées que nenni, tout juste une halte, un répit, un ombrage, pour se charger en miel pour mieux gagner le ciel.

    Nous voilà rassurées, voire même piquées, de saine curiosité devant ces réfugiées ne voulant territoire, à peine quelques vivres pour poursuivre migration. Pour un peu nous serions par là même flattées, ayant su préserver, cultiver, lieu propice à l'accueil d'une nature si libre puisque sauvage.

    Ayant par le passé et pas plus tard qu'hier, communié avec le coeur de la grande forêt, tutoyé les géants et dansé dans le vent, comment ne pas y voir un signe ?

    Merveille des abeilles aux destins reliés, elles qui sont des milliers ne formant qu'un seul corps. Social ou solaire, de la même manière, ne voyant dans la reine qu'une mère à aimer, toutes soeurs solidaires en un essaim formées.

    Richesse de la nature que nous sommes si, élèves assidus nous apprenons l'ensemble plutôt qu'individus. A la ruche pas de chef, ni têtu, ni belliqueux, un partage des tâches dont toutes bénéficient, l'intérêt général comme but désarmé, désarmant. Sponte favos oegre spicula, "Volontiers son miel, à regret son dard", en toute simplicité.

    Une fois l'été venu, le nectar divin, fruit des mille fleurs d'un printemps généreux, l'aurons-nous mérité ? Aurons-nous fait notre part de labeur ? Aurons-nous construit de solides alvéoles pour abriter couvain et nourrit chaque soeur pour qu'elle prenne son envol ?

    Savons-nous relier et la terre et le ciel et le corps et l'esprit ? Nous savons-nous essaim ? 

    Si vous ne voulez pas par une paille respirer sous une mare de peur, accueillez réfugiés, ouvrez grand votre coeur !

    Partagez fleurs et savoirs, contemplez la nature, elle prodigue tous les soins et enseignements sains et donne à nos poumons plus grandes alvéoles.

    Au prochain vrombissement de grâce ne fuyez pas ! Faites une courte pause et appel au charnel, rejetez les vieux airs et pleinement inspirez, car essaim au jardin relie coeur et divin !

  • Jour de vent

    Une petite note écrite voilà quelques jours de mistral, les gens d'ici le savent bien, ce vent vous rend fous, fous mais pas à lier, fous à lever les voiles !

    En ces temps de vents et de brouillards, confusion montre son visage de cendres et de brumes, fardée comme une putain et les langues sont épaisses sur les lèvres desséchées. 

     Aujourd'hui je me libère, ainsi va la plume au gré du papier, du temps et des oiseaux.

    N'entendre, que ce chant, sous les assauts du vent.

    Ils sont devenus fous ! Brasseurs fermentés, gargouillis d'intestins et pensées frelatées.

    Aujourd'hui me libère, j'éteins le plafonnier. Ces minutes sont précieuses et faciles à gâcher. Quitte à les dépenser j'aime autant les écrire. Pas à pas égrener chaque souffle, brouillonne.

    Mon cerveau est confus, bourdonne, tance et condamne ; mais mon âme vagabonde entre feuille et campagne. Ne vous méprenez pas, pas celle des oriflammes, celle des champs humides et des airs profanes.

    Dansez, sifflez, bruyantes vapeurs ! Une bonne fois en finir pour épouser les choeurs !

    Aujourd'hui me libère, offre un rituel, pur jus, pur soufre, trop enfermé serré pour une boîte crânienne.

    ça cogne de plus belle, à soulever le fond, remuez bien la lie,mélangez les humeurs et voilà que ça tourne et les mots sont mêlés, ventrelus, échevés, la bouillie foutreniaise, raison dépitoyable sans latin ni trompettes.

    Mi-chahut, mi-chaman.

    Aujourd'hui me libère, j'irai humer la brume, lumière d'or et de sang, jusqu'au son des trois lunes.

    Voilà que ça s'apaise. C'est fini. C'est passé.

    Et maintenant. Soyez.

    Nul besoin de voter pour ou contre les autres.

    En ces temps de mistral soyez qui vous voulez, pas esclave servile à vous-même loyal.

    Le vent de la croyance, brise à vos embarcations, voile et dévoile vos êtres de chair.

    Voyez ce que vous croyez.

    Mais n'oubliez pas de décroître pour mieux lever les yeux. C'est la terre qui nous forme, le monde qui nous élève, la vie qui nous nourrit. Et l'esprit nous contemple. C'est ainsi que vivent les gens libres.

    Si quoi que je fasse je perds mon temps, j'offre mes mots aux jours de vent.

  • De l'intention

    Jour deux de l'an 17

    Nous sommes en Vie. C'est un fait mesurable selon des critères physiques. Le souffle en mouvement. Sommes-nous vivants ? Qu'est-ce qu'être vivant ? Cela sert-il à quoique ce soit ou au contraire sommes-nous nuisibles ? Etre en vie est un miracle qui se suffit à lui-même ? Et si la vie n'avait d'autre sens que d'être ?

    L'an 2016 a été rude d'épreuves. Épurée. Nue. Expiatrice. Révélatrice.  Renaître quasi rien. Quasi.

    Certaines dimensions humaines me pèsent. Je m'agace puis je me souviens d'instants incroyables de conscience. Comment faire que ceux-ci transcendent ceux-là ? Tout choisir. Pas comme on trie mais comme on épouse.  Etre le hasard, sa propre chance.

    Je nous souhaite vos meilleurs voeux. Que les liens soient d'amour.

  • Sagesse de feuille morte

    Jardin noyé de pluie. L'automne a mené avec lui l'eau du ciel, salvatrice. Un automne doux, de renaissances.

    Enfin abreuvée la nature gorgée s'est offert un nouveau printemps, un supplément d'âme pour montrer que la vie est, patiente, tapie sous les sèches. Un éclat de verdure avant le grand sommeil.

    Là, dressée sur la nappe d'herbe crue, l'or élancé du prunier sauvage. Flamme éclatante d'un cycle qui touche au but. Or jaune d'un été glorieux, branches tendues au ciel d'azur.

    Et l'ondée s'est faite rage, puis déluge. Tonitruante Durance, mistral fougueux. L'été est mort dans la violence d'un sombre ciel au regard de cendres.

    Là, sur le tendre tapis, gisent les larmes dorées du vieux prunier.

    Vient l'ultime étape, éteindre un à un les soleils qui étoilent le jardin, pour les rendre à la terre.

    Pourrir, noblement, nourrir les futurs. Car c'est ainsi que vivent les hommes. Nature.

    Que naîtra-t-il de la rudesse ?

    Crachins, gelures, calamiteuses plaies viendront tourmenter l'hivernale nuit et quand les corbeaux, la sorcière et les êtres méchants, tous gonflés de nos peurs, s'arrogeront le printemps, il nous aura fallu du sauvagement doux et de longues veillées pour conter aux enfants la sagesse des pruniers.

    Aux armes citoyens et qu'elles soient de parole, d'actes clairs, coeurs purs, têtes hautes, vaillamment.

    Aimez-vous comme de l'or, vous qui n'êtes que des fruits, destinés à pourrir en regardant le ciel.

    Dans tous nos jardins les vieux pruniers sauvages, de la nature et des hommes sont souvent les plus sages.

    Pour qui vous pensez-vous qui prenez la parole, vous disant haut et fort maîtres des paraboles.

    Avez-vous seulement lu le livre des jardins car si vous l'aviez fait vous sauriez-vous nains, bienheureux sans le sou, aussi puissants que poux.

    Vous pensez écrire l'histoire, prétentieux humains, bruyants épouvantails qui ne verront demain. Votre langue est funeste, la pitrerie grotesque. Tout juste parviendrez-vous à dorer vos blasons mais n'égalerez jamais feuilles mortes au gazon.

    Taisez-vous donc alors et laissez la parole, à quelques feuilles d'or qui en savent plus encore.