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souffrance

  • Le mal au corps

    free music



    Taisez-vous.

    J’ai entendu, je vous entends et je sais que je vous entendrai encore.
    Taisez-vous ! Ne pourrais-je avoir la paix ! Une journée, une heure. Un seul instant. Pouvoir fermer vos sales petites gueules. Serrer vos cous, si fort et voir vos vilains traits se tordre en des grimaces si laides que le plus vil diable en serait repoussé. Et vous mordre à pleines dents, arrachant cuir et chair, la bouche sanguinolente de vos cris amers, le regard droit planté dans vos yeux suppliants, riant de vos mains vides, fouettant l’air fétide de vos humeurs malignes. Vous pleurez à présent, et je m’abreuve à vos larmes chaudes, léchant l’eau et le sel à votre visage blême. Vous tremblez peut-être, aboyez encore, et les flancs labourés par vos griffes sales, halètent leur dernier souffle.


    Taisez-vous, s’il vous plaît.

    Et c’est moi qui supplie, hantée par trop de vous, et mon cri s’épuise dans un soupir, à peine exhalé. Le corps usé, une ultime fois, sans fin, cabre sa détresse, hurle en silence la famine du bien.

    Ô douleurs.

    Héritage maudit aux confins de ma carcasse, faut-il dans mes sanglots entendre violons, à mon âme torturée toute une symphonie et ne serais-je sans vous qu’une poupée de chiffon, vidée de ma substance par vos lèvres avides.

    Ô douleurs.

    Etre sûre de vous, exister dans ce gouffre, atteindre la lumière noire de vos yeux éteints, y voir des merveilles et plonger en son sein, libre. Grandir à vos côtés, inhumer le charnel, croire encore au plaisir. Mère des douleurs, au chevet de mon être supplicié.

    Ensemble puisque c’est ainsi, m’allier à vous et de ce pacte insensé faire la plus belle des victoires, brandissant l’étendard de mon sourire fier, planté au cœur rougeoyant de mon âme guerrière.

    Vivre.

    Digne.

    Debout.

    Rire encore.

  • Juste une question


    Jeudi j'ai rencontré une journaliste qui souhaite faire un papier sur ma petite entreprise, nous l'avons de suite informée que la petite entreprise connaît la crise - qu'à celà ne tienne c'est intéressant aussi nous répond-elle !!

    Heu bon ben d'accord ...
    L'interview (oui je me la pète un peu je sais) commence, origine des difficultés (bon là je me la pète moins), solutions envisagées suite aux résultats catastrophiques du plan A ? ben plan B, C, D et déprime bien sûr.. :))

    Puis historique de la société, puis les créatrices, leurs visions, leurs présents, leurs passés ... professionnels d'abord puis plus personnels ensuite. Vous êtes mariées ? des enfants ? bon là avec Myriam on se demande toujours si les journalistes posent les mêmes questions aux hommes mais bon, cette journaliste étant ma foi fort sympathique nous nous plions au petit jeu des questions-réponses afin de satisfaire sa bien naturelle et professionnelle curiosité.
    Je ne vous cache pas que je m'amuse toujours à guetter le changement de regard quand j'annonce que j'ai quatre enfants ... il est le plus souvent scotché !! et moi d'ajouter quatre filles ... là nous avons généralement droit à "QUATRE FILLES ?!?!?!!" mon expression doit aller de la fierté à l'amusement...

    Puis là, visiblement intriguée par ma p'tite personne elle me demande soudain :
    - et vous souffrez ?
    - heu ben je ...(voix off : suis trés surprise par la question, zut sais pas quoi répondre et là, le stylo suspendu dans les airs je vois bien qu'elle attend une réponse ...)... heu je ne souffre plus comme j'ai pu souffrir enfant pendant les crises ..
    - Les crises ? vous n'êtes pas née comme ça ?
    - heu ben je ... (suis trés surprise par la question, zut....)...heu ben non, j'ai eu, enfin j'ai (bon ben j'sais pas) une polyarthrite quand j'avais dix ans ...
    - et vous souffrez alors ?

    Souffre-je ?
    Voilà une question qui revient de temps en temps. Il m'est toujours difficile d'y répondre oui de façon franche.
    Alors je prends la question à l'envers : suis-je dénuée de souffrance ? il est alors plus facile d'y répondre par la négative, non je ne peux honnêtement pas dire que je ne souffre pas du tout. Les muscles se contractent pour compenser la bonne tenue osseuse à jamais oubliée, les cervicales se drapent dans de fiers muscles plus toniques que le gin et surtout des abdos en bêton tentent de me maintenir droite comme un i alors que mes sacrées vertèbres sacrées et lombaires ont tendance à vouloir prendre des chemins de traverse et qu'en matière de construction je ressemble plus à la tour de Pise qu'à la Défense.

    Je finis souvent la journée endurcie, pas plus solide pour autant.

    Alors oui c'est une souffrance, une de celles qui s'installent insidieusement au fil des heures et qui finissent par miner le terrain et m'explosent au nez quand, aux heures tardives de mon inspiration, je reprends conscience que je ne suis pas qu'une photo dans une colonne et que j'ai aussi une enveloppe que je maltraite peut-être plus que de raison.

    Et puis il y aussi l'autre, la féroce, celle qui me tient serrée entre ses sales petites griffes de douleur du nerf coincé et qui m'agresse violemment quand je me laisse aller à la penche-attitude, celle-là me tient en éveil, oserais-je dire m'éveille ?
    Elle m'éveille à cette réflexion : pourquoi ne pas pouvoir dire oui je souffre, simplement, tous les jours, à chaque instant ?
    Parce que cette idée ne me serait pas supportable et que j'ai fait le choix de vivre , avec , sans l'écouter ou, plus honnêtement, en l'entendant le moins possible.

    Alors à la question posée "souffrez-vous" je pourrais répondre - si vous ne me posez pas la question ça m'évitera d'avoir à y répondre.

    A la suite d'une de mes précédentes notes sur le courage quelqu'un qui me veut du bien et qui se reconnaîtra dans mes lignes ;) m'a récemment offert un livre dans lequel le sujet de la souffrance est largement abordé, l'inévitable souffrance qu'il faudrait, pour la transcender, vivre dignement.

    Ne pas écouter sa souffrance est-ce la vivre dignement ? Ne pas la dire peut-être ? Et si ce soir je me/vous la dis en serais-je moins digne ? à mes yeux, aux vôtres ?

    Et dites-moi Madame la journaliste, pourquoi cette question ?